THE LOST CITY OF Z (J. Gray)
L’odyssée intérieure
Davantage que le conflit opposant Fawcett à la RGS, puis à son collègue Murray qui, mal en point lors de la seconde expédition, trahit l'explorateur, c'est le regard mesuré que porte ce dernier sur l'environnement humain de la jungle qui compte pour le réalisateur. Certes, Fawcett reste persuadé de l'existence de cette cité perdue, mais il ne peut nier qu'une grande partie des indigènes, en ce début de xxe siècle, ont un comportement et des rites particulièrement primitifs, qui ne peuvent que le faire douter de sa conviction. Il ne trouve aucune réponse à ce paradoxe, écrasé qu'il est sous le poids des multiples difficultés rencontrées, et contrarié par l'absence de véritable communication avec les indigènes les plus pacifiques. Un doute accentué par la disparition des Fawcett, père et fils, qui laisse Gray ‒ et les spectateurs avec lui ‒ dans l'incertitude la plus complète quant à l'existence de « Z ». Ce qui donne toute sa force à ce film tant passionnant que déconcertant.
Sa réussite tient aussi à la qualité du travail effectué par le directeur de la photo, Darius Khondji, qui renoue avec la pellicule 35 mm et alterne des éclairages qui évoquent non seulement Rembrandt, mais aussi Claude Lorrain et le Douanier Rousseau. Des images qui présentent également une sorte de qualité musicale, au rythme plutôt lent, soutenu de bout en bout par le montage très fluide de John Axelrad, ainsi que par la partition discrètement envoûtante de Christopher Spelman, tous deux fidèles collaborateurs de Gray.
The Lost City of Z apparaît comme une réussite très personnelle du cinéaste. On y retrouve, sous une autre lumière, les fils conducteurs de ses films antérieurs : la complexité de l'existence humaine qui en empêche tout contrôle rationnel ; un petit monde de losers qui opèrent des choix constamment contrecarrés par les divers milieux où ils évoluent et qui ne peuvent que les conduire à... l'échec. Un film, donc, dans la parfaite continuité d'une œuvre éminemment originale, entreprise en 1994 avec Little Odessa, et qui n'en finit pas de nous questionner.
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Écrit par
- Michel CIEUTAT : enseignant-chercheur retraité de l'université de Strasbourg
Classification
Média