THE NEW ART THE NEW LIFE, THE COLLECTED WRITINGS, Piet Mondrian Fiche de lecture
L'œuvre picturale de Piet Mondrian (1872-1944) est l'une des plus radicales du xxe siècle. L'une des plus résistantes aussi. Son rejet de toute forme de représentation, la réduction de son vocabulaire esthétique à l'horizontale, à la verticale, et aux trois couleurs primaires apparaissent encore aujourd'hui comme une proposition à la fois incontournable et quelque peu déplacée. Après ses premiers paysages symbolistes, l'assimilation accélérée du cubisme et du fauvisme à laquelle procède sa peinture entre 1908 et 1914 fixe d'emblée le rythme qu'il imposera à son art. À Alexander Calder, qui lui suggérait dans les années 1930 de mettre sa peinture « en mouvement », Mondrian répondait avec une ironie dévastatrice : « Ce n'est pas nécessaire : ma peinture va déjà très vite. » Pour Mondrian, cette vitesse ne dépendait donc pas d'un progrès technologique condamné à une obsolescence programmée. Son mécanisme est plus sûrement contenu dans une dialectique de destruction et de construction que recèle une peinture qu'il concevait ainsi comme le germe d'un esprit futur non pas seulement d'un temps futur. Une nuance que signale, par exemple, la dédicace « aux hommes futurs » (non du futur) de l'essai intitulé Le Néo-Plasticisme : principe général de l'équivalence plastique. Un texte originellement écrit par l'artiste en français, et qui attend toujours une réédition dans cette langue depuis sa première publication en 1920. Si quelque attention doit être portée aux écrits de Mondrian, il faut donc se reporter à leur édition anglaise, publiée en 1986 par Harry Holtzman et Martin S. James.
Prise de conscience
Un épais volume réunit les textes, les essais et diverses notes théoriques de Mondrian – à l'exclusion des carnets de 1913-1914 (publiés en fac-similé) et de sa correspondance (dont de nombreux extraits illustrent dans l'ouvrage les introductions aux textes de l'artiste). L'ensemble couvre ainsi une période comprise entre 1915 et 1944, durant laquelle Mondrian n'a jamais cessé de clarifier par l'écriture son entreprise picturale. Afin de suivre l'évolution de la pensée de l'auteur, l'ouvrage rassemble l'ensemble des textes selon leur chronologie, respectant ainsi le développement d'une esthétique complexe. Cette longue séquence, comprenant plus d'une cinquantaine de textes, est articulée en trois moments par les éditeurs : « Les Années De Stijl : 1917-1924 », contenant notamment les textes publiés dans la revue éponyme que Mondrian avait fondée avec Theo Van Doesburg ; suivi de « L'Après-De Stijl : 1924-38 » ; et, en conclusion, « l'Angleterre et les États-Unis : 1938-1944 ». Seules les deux premières parties ont été traduites car, fait remarquable, Mondrian s'est toujours exprimé dans la langue du pays où il résidait : lorsqu'il revient s'installer à Paris en 1919, il traduit d'abord sa pensée du néerlandais en français puis il écrit dans cette langue pour ses publications. De même, à partir de 1938, lorsqu'il séjourne en Angleterre avant de rejoindre les États-Unis durant la guerre, et jusqu'à sa mort à New York en 1944, il s'exprime directement en anglais.
La majorité de ces essais furent publiés du vivant de l'artiste, et peu de temps après leur achèvement. Dès « La Nouvelle Plastique », originellement conçu comme un livre entre 1914 et 1917 et finalement publié en douze parties en 1917 et 1918, Mondrian justifiait clairement l'importance provisoire des mots. En effet, si le « nouveau » finira bien par « parler de lui-même », explique-t-il, il est bien légitime, de la part de l'amateur, de demander des « explications immédiates » à l'artiste, de même qu'il est logique pour ce dernier « [...]
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Écrit par
- Hervé VANEL : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Brown, Rhode Island (États-Unis)
Classification
Média