THE NEW ART THE NEW LIFE, THE COLLECTED WRITINGS, Piet Mondrian Fiche de lecture

Désintégration de l'art

Négliger la parole de Mondrian revient ainsi à séparer son art d'une dynamique essentielle qui conduit l'une et l'autre (théorie et peinture) à une disparition inévitable. Car, comme les mots, l'art même est appelé à disparaître – et sa peinture en est le signal : « L'art est déjà en partielle désintégration, notait Mondrian en 1922 –, mais sa fin maintenant serait prématurée. [La nouvelle plastique] expose clairement les lois universelles valables selon lesquelles la nouvelle réalité doit être construite. » Mais, avant que cette construction ne soit envisageable et plutôt que de l'imposer au monde, sa structure doit être assimilée, c'est-à-dire universellement « ancrée dans le sentiment et l'intellect » (1922) Ainsi, répétait-il en 1942 « l'innovation formelle de [ma] peinture n'est rien si, nous ne comprenons pas que le progrès humain est proportionnel à la conscience de l'autodestruction ». Comme de son art pour l'artiste, les hommes doivent se dépouiller de leur individualisme pour se réaliser collectivement suivant les lois universelles de la nouvelle plastique. L'art de Mondrian vise en cela un temps où, en tant que derniers résidus d'individualité, « [la] peinture et la sculpture ne se manifesteront plus comme des objets séparés, [...] mais [...] aideront la création d'une ambiance pas simplement utilitaire ou rationnelle mais aussi pure et complète dans sa beauté » (1936). La dernière composition rêvée de Mondrian, Victory Boogie Woogie (1942-1944, collection Mr. et Mrs. Burton Tremaine, Meridan, Conn.), laissée inachevée à sa mort après deux années d'un processus sans fin de destruction créative, semble recueillir fatalement toute la force et la faiblesse du néo-plasticisme ; comme si cette force ne pouvait effectivement se manifester que dans sa faiblesse : une forme (involontairement) non aboutie, en perpétuel devenir.