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BOULEVARD THÉÂTRE DE

Il y eut les théâtres des boulevards. Tout d'abord au boulevard du Temple, puis, en une constante progression vers l'ouest, du boulevard Saint-Martin à la Madeleine, avec au sud un solide point d'ancrage au Palais-Royal et des têtes de pont lancées vers les boulevards extérieurs (où des théâtres de seconde zone, à Montmartre, à Montparnasse, aux Batignolles, à Grenelle, aux Gobelins, au faubourg Saint-Denis, reprenaient les succès du centre de Paris). Cette progression suit pas à pas l'expansion de la bourgeoisie parisienne. Lorsque, enfin, vers 1860, tout Paris est conquis, l'appellation géographique tombe en désuétude et, par l'ablation de son pluriel, se transforme en un terme générique : le théâtre de boulevard, qui désigne désormais un genre littéraire et dramatique bien déterminé.

C'est le théâtre de la bourgeoisie. Il en suit parfaitement l'évolution : populaire et naïf pendant la Révolution, il prend du ventre au second Empire, se guinde sous la IIIe République et, depuis 1914, se vulgarise et dégénère. C'est aussi le théâtre de la libre entreprise. Un théâtre commerçant où l'entrepreneur, le directeur (parfois directeur-auteur, comme Bernstein aux Ambassadeurs) est prépondérant, et où les impératifs de rentabilité dominent, imposant des règles, un style, des esthétiques.

Poussé par la concurrence, le Boulevard a su créer des genres dramatiques féconds, comme la féerie et le mélodrame ; il a su faire évoluer la farce, la parade et l'ancien vaudeville vers la comédie de mœurs ou le comique de situation.

Mais, trop souvent, il lui a fallu sacrifier au succès commercial immédiat. D'où une propension à flatter le public, une tendance au conservatisme esthétique et un grand conformisme moral et politique. (Voir les hallucinantes volte-face des théâtres des boulevards sous la Révolution, la préférence marquée des directeurs pour la censure préalable sous la Restauration et la monarchie de Juillet, et le moralisme de la quasi-totalité des auteurs de boulevard, de Cousin Jacques en 1790 à notre Boulevard actuel, en passant par Scribe, Augier et Dumas fils.)

Le théâtre de boulevard est donc, avant tout, un théâtre de divertissement. En ses débuts, il fait appel à toutes les techniques du spectacle : musique, danse, acrobatie ; il est très visuel, très « théâtral » ; les préoccupations littéraires passent au second plan. Plus tard, dans la seconde moitié du xixe siècle, cet attrait du spectacle faiblit, sauf dans quelques genres bien déterminés (l'opérette, le drame historique), et cède la place au goût de la construction dramatique rigoureuse, de la « scène à faire » réussie, du mot d'auteur. Mais le Boulevard restera toujours comme exilé de la littérature. La marque distinctive de son style, c'est une écriture souvent plate et pauvre qu'on peut suivre à la trace, de Pixérécourt (le père du mélodrame) à Sardou, de Scribe à Roussin, de Dumas fils à Henry Bataille, de Meilhac et Halévy à Flers et Caillavet, d'Augier à Bernstein. Seuls échappent à cette règle Monnier qui, tout à fait marginal, élabore, en précurseur, une langue spécifiquement théâtrale et, dans une moindre mesure, Labiche, le plus grand des auteurs de Boulevard, qui pourtant lui aussi écrit plat, mais dont le style est tout entier tendu vers la recherche d'une efficacité dramatique.

Histoire

Le premier âge (1759-1789)

Dans la seconde moitié du xviiie siècle, le boulevard du Temple, en ses larges avenues, offre au promeneur les attractions les plus diverses : feux d'artifice des frères Ruggieri, pantomimes, figures de cire de Curtius, et, dès 1759, dans le petit théâtre de Jean-Baptiste Nicolet (un transfuge de la foire Saint-Germain), de courtes comédies (parades, farces ou vaudevilles) alternant avec des tours d'acrobates ou d'animaux savants.[...]

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