THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES
Un haut lieu de la création artistique
La volonté artistique d’Astruc d’unir faste et avant-garde fait du Théâtre des Champs-Élysées un lieu de tradition autant que de modernité : l’inauguration avec Benvenuto Cellini d’Hector Berlioz le 31 mars 1913 et le concert du 2 avril célébrant Camille Saint-Saëns, Claude Debussy, Paul Dukas, Vincent d’Indy et Emmanuel Chabrier en témoignent. Mais c’est la saison russe, confiée aux Ballets russes de Serge de Diaghilev, qui marque définitivement le théâtre du sceau de la modernité. Le 29 mai, la création du Sacre du printemps d’Igor Stravinski, dans une chorégraphie de Vaslav Nijinski, et sous la baguette de Pierre Monteux, déclenche un des scandales les plus retentissants de l’histoire de la musique, qui n’aura d’équivalent qu’à la création, dans la même salle, de Déserts d’Edgar Varèse, le 2 décembre 1954. Mais si nombre d’autres représentations secouent l’auguste salle, comme la première parisienne de Chronochromie d’Olivier Messiaen en 1962, les triomphes y sont multiples. Car le niveau de la première saison, qui s’achève le 6 novembre 1913 avec Boris Godounov de Modest Moussorgski interprété par Fiodor Chaliapine, est très élevé. Mais, pour Gabriel Astruc, cette première saison sera la dernière : il est ruiné.
On parle de démolition. Le Théâtre des Champs-Élysées n’en survit pas moins pendant quinze ans, entre l’éclat (les tournées du Boston Opera Company et du Covent Garden de Londres en 1914), le silence des années de guerre, et les productions de ballets (dont la Revue nègre avec Joséphine Baker) qui dominent les années 1920.
La gloire renaît avec une richissime cantatrice américaine, Ganna Walska, qui a racheté le théâtre en 1921 et en reprend les rênes artistiques en 1928, en nommant Walther Straram au poste d’administrateur. Ce chef d’orchestre allemand revient aux valeurs du fondateur du lieu : il promeut la création contemporaine (Kurt Weill, Alban Berg, Messiaen), magnifie les fondamentaux lyriques (Wolfgang Amadeus Mozart, Richard Wagner avec l’équipe de Bayreuth, les compositeurs russes en 1930) et organise des concerts de prestige avec l’orchestre des concerts Straram, alors mondialement célèbre, placé sous la baguette de Wilhelm Furtwängler, Bruno Walter, Richard Strauss, Arturo Toscanini, Désiré-Émile Inghelbrecht…
Après la guerre, Karl Böhm, Pierre Boulez, Herbert von Karajan, Otto Klemperer, Charles Münch, Carlo Maria Giulini y dirigent les orchestres les plus prestigieux de la planète, invités ou en résidence, notamment les Orchestres philharmoniques de Vienne et de Berlin et, dès sa création en 1934, l’Orchestre national de France. Solistes renommés, chanteurs illustres, danseurs de ballet célèbres et vedettes du music-hall sont en permanence à l’affiche du Grand Théâtre, dans le cadre d’un répertoire qui se veut ouvert et raffiné.
Le Théâtre des Champs-Élysées s’est, plus récemment, imposé dans une autre forme de modernité : la résurrection du répertoire lyrique baroque, dont il est devenu depuis les années 1990 la scène de référence en France.
La programmation théâtrale de la Comédie et du Studio des Champs-Élysées se distingue elle aussi dès ses débuts, notamment sous la direction de Firmin Gémier, Jacques Hébertot, Georges Pitoëff et Louis Jouvet, par ses expérimentations et sa modernité. Dans la première salle sont notamment créées des pièces de Jean Cocteau (Le Bœuf sur le toit, sur une musique de Darius Milhaud, 1920), de Jean Giraudoux (Intermezzo, 1933) et la plupart des œuvres de Jean Anouilh. Le Studio accueille, entre autres, la création de la première pièce de Marguerite Duras (Le Square, 1956), d’œuvres d’Eugène Ionesco ainsi que la première française de Fin de partie (1957) de Samuel Beckett. Aujourd’hui encore, ces deux scènes continuent de promouvoir l’art du théâtre.[...]
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Écrit par
- Pierre FLINOIS : architecte, critique musical
Classification
Médias
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