GLOBE THÉÂTRE DU
Au début de 1599, William Shakespeare, qui, depuis 1594, faisait partie comme acteur des Lord Chamberlain's Men, alloua à ces derniers une somme équivalant à 12,5 p. 100 du coût de construction du Globe. Il agissait ainsi en tant qu'actionnaire principal de la compagnie : cette opération commerciale, tout à fait originale pour des acteurs de l'époque, devait rencontrer un éclatant succès. Shakespeare et ses principaux camarades obtenaient ainsi non seulement une part dans les bénéfices de leur compagnie, mais aussi une part dans leur théâtre.
Cela faisait cinq ans qu'existaient à Londres des salles et des troupes officiellement reconnues. Les Lord Chamberlain's Men étaient l'une des deux troupes autorisées à jouer dans la capitale. L'autre se produisait au théâtre de la Rose, propriété d'un imprésario et de son beau-fils, un ancien acteur.
La troupe de Shakespeare construisit le Globe parce qu'il lui fut impossible de disposer du théâtre des Blackfriars, un théâtre couvert qu'avait fait édifier pour elle, à l'intérieur de la ville, James Burbage (le père de leur acteur vedette Richard Burbage). James Burbage n'en était pas à son coup d'essai : il avait à son actif le premier amphithéâtre à avoir connu le succès, le Théâtre, qu'il avait fait bâtir en 1576 dans un faubourg de Londres. Vingt ans plus tard, peu avant l'expiration du bail qu'il avait souscrit pour le terrain de cet édifice, il crut trouver une solution de remplacement en faisant construire une nouvelle salle aux Blackfriars. Mais les riches occupants du voisinage persuadèrent le gouvernement d'y interdire la représentation de pièces, si bien que le capital de Burbage se trouva bloqué. Il mourut au début de 1597, sans avoir pu se remettre de ce cuisant échec.
Les Lord Chamberlain's Men se virent alors contraints de louer un théâtre. À la fin de 1598, ils décidèrent d'en construire un pour eux. Parce que l'héritage des fils de Burbage, Cuthbert et Richard, était immobilisé dans l'opération des Blackfriars, ils formèrent un consortium regroupant Shakespeare et quatre autres comédiens, de manière à devenir copropriétaires du nouveau théâtre, le Globe. Parce qu'il était à cours de liquidités, le consortium dut se montrer, bien à contrecoeur, très traditionaliste ; il renonça à faire construire dans la ville une salle couverte. Il restait bien le vieux théâtre, mais on ne pouvait rien en faire sur place, puisque le bail avait expiré ; on décida alors de le démonter et d'utiliser les poutres (illégalement) pour en faire la charpente de la nouvelle salle, à laquelle on conserverait donc la forme qu'avait adoptée l'ancienne, celle d'un amphithéâtre.
Le succès du Globe
Édifié en 1599, le Globe, en dépit de la hâte qui avait présidé à sa construction, devait connaître un véritable triomphe. Après dix ans d'exercice, il n'était pas seulement devenu la coqueluche des amateurs de théâtre, mais aussi celle de la troupe elle-même, qui dépensa des sommes considérables pour pouvoir s'y maintenir. Deux faits au moins en apportent la preuve. En 1608, quand la compagnie put enfin faire aboutir le projet de James Burbage, ses membres choisirent, contre toute raison, de se produire dans les deux salles à la fois, dans celle à ciel ouvert du Globe en été, et dans celle des Blackfriars, qui était protégée par un toit, en hiver. S'ils en avaient décidé autrement, ils auraient pu facilement louer l'un des deux bâtiments à une autre compagnie, si grande était à cette époque la pénurie de théâtres dans Londres. Une seconde chance leur fut offerte en 1613 d'occuper à plein temps les Blackfriars, lorsque le Globe fut entièrement détruit par un incendie, un canon ayant accidentellement mis le feu à la toiture en chaume lors d'une représentation de [...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Andrew GURR : professeur émérite à l'université de Reading, Royaume-Uni, directeur honoraire du centre de recherche sur les textes de la Renaissance, université de Reading
Classification