ÉLISABÉTHAIN THÉÂTRE
On désigne sous le terme de théâtre élisabéthain la production dramatique qui fit la gloire littéraire du règne d'Élisabeth Ire (1558-1603) et se prolongea jusqu'à la fermeture des théâtres, en septembre 1642, après la victoire des puritains. Toutefois, la critique anglaise utilise le terme « jacobéen » ou « Stuart » quand il s'agit de pièces écrites après l'avènement de Jacques Ier (1603) et jusqu'à sa mort (1623), date après laquelle la plupart des grands dramaturges ont disparu ou cessé d'écrire. La période florissante de ce théâtre, qu'illustre brillamment l'œuvre de Shakespeare, s'étend de 1580 à 1630 environ.
Origines
Les mystères
L'amour du spectacle – action, costumes, personnages – est déjà profondément enraciné dans l'âme du peuple anglais au cœur du Moyen Âge, et le rituel des cérémonies chrétiennes – dont la messe et les épisodes de la Passion – préfigure, dès les premiers siècles du christianisme, les jeux dramatiques, qui passent de l'église dans la rue et se concrétisent dans les somptueux défilés de chars (pageants) des miracle plays montés par les guildes ou les corporations. Certaines grandes villes avaient leurs propres cycles, comprenant de nombreuses pièces : le cycle de Coventry et celui de Wakefield avaient chacun quarante-deux pièces ; celui d'York, cinquante-quatre, dont quarante-cinq nous sont parvenues. Ces pièces racontent naïvement les épisodes de l'histoire sainte, et sont comme un acte de piété auquel le peuple entier d'une ville ou d'une province prend part avec ferveur.
Les moralités
Les moralités apparaissent vers la fin du xive siècle, sans d'ailleurs supplanter les miracle plays. Ce sont de véritables pièces de théâtre, avec conflit et dénouement, qui dramatisent les difficultés du salut de l'homme, champ de bataille où les forces du mal – les vices, les péchés, ceux que les artistes du Moyen Âge sculptent sur la façade des cathédrales – montent à l'assaut de la citadelle de l'âme pour la soustraire à l'influence du Bien et la ravir à Dieu. Les personnages ne sont que des allégories, souvent raidies dans leur abstraction ; mais la dialectique moralisante qui anime l'œuvre peut atteindre une impressionnante intensité dans le pathétique : Everyman (Tout Homme), la plus célèbre de ces pièces, a connu de très nombreuses versions et se joue encore. C'est la tragédie de la solitude de l'homme devant la mort : seules ses bonnes œuvres peuvent le sauver. Dans Respublica (1553), de Nicolas Udall (1505-1556), déjà se font jour des thèmes politiques. De ces pièces se dégage une vision morale de la vie, que l'on retrouve sous les formes les plus diverses dans le théâtre élisabéthain. Marlowe en offre un bel exemple dans sa Tragédie du docteur Faustus (1588-1589).
Les interludes
Les interludes marquent un progrès sur les moralités, en ce sens qu'ils sont une forme de spectacle plus savante, mais aussi plus variée, plus libre, puisqu'elle admet une plus grande diversité de sujets, des éléments comiques, et même bouffons. Souvent écrits par des érudits, et pas seulement par des hommes d'Église, on les joue dans les châteaux et dans les collèges. Ce sont aussi des thèmes moraux qui les animent, mais les personnages ne sont plus uniquement des allégories, et le sujet peut être profane, emprunté à la vie quotidienne, à la légende ou à l'histoire. Ainsi le jeu dramatique élargit son champ d'action.
La plupart de ces pièces sont restées anonymes, mais on connaît assez bien quelques-uns de leurs auteurs. Ainsi John Redford, qui écrivit Wit and Science (1530 env.), fut maître de chapelle à la cathédrale Saint-Paul. Cet interlude, entièrement allégorique, décrit les efforts de Wit (Intelligence) pour conquérir Science (Savoir),[...]
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Écrit par
- Henri FLUCHÈRE : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence
Classification
Médias
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