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THÉÂTRE OCCIDENTAL Crises et perspectives contemporaines

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Le théâtre de rue

En flânant sur les chemins tortueux de l’histoire du théâtre européen, on retrouve les traces de baladins, saltimbanques et autres acrobates, qui ont investi l’espace urbain comme lieu de représentation. Une tradition qui traverse les siècles, de l’époque médiévale à nos jours, sous des formes qui peuvent varier, mais qui toutes expriment la même ambition de nourrir un théâtre populaire dans la proximité. Au xxe siècle, ces transformations sont nées d’une contestation des formes théâtrales conventionnelles, qui naquit dans les années 1920 avec le théâtre d’agit-prop et s’affirma notamment, dans les années 1960, avec les compagnies du Bread and Puppet Theatre et du Living Theatre aux États-Unis.

<em>La Petite Géante et le scaphandrier</em>, par Royal de Luxe - crédits : S. Koutchinsky/ Royal de Luxe

La Petite Géante et le scaphandrier, par Royal de Luxe

En France, à partir de 1980, une compagnie devient emblématique de ce théâtre – mais avec la dimension politique en moins – sous le nom de Royal de Luxe. Elle est animée par Jean-Luc Courcoult et ses complices, géniaux bricoleurs inspirés, venus de divers horizons artistiques. Leurs créations font preuve d’une énergie poétique où les relations que l’homme entretient avec la machine occupent une place centrale, comme en témoignent, entre autres, La Véritable Histoire de France (1990), Embouteillages (1993), Le Géant tombé du ciel (1993), Péplum (1995), Le Rhinocéros (1997), Les Chasseurs de girafes (2000) et, plus récemment, La Grand-Mère tombée de la galaxie dans un champ de Munster ou Dakar-Dakar (2014). Durant cette période, de nombreuses compagnies ont vu le jour. Parmi elles, Le Théâtre de l’Unité fondé en 1968 par Jacques Livchine, puis Ilotopie, Générik Vapeur, Métalovoice, 26 000 couverts, Le Groupe Zur, Délices Dada, ou Kumulus, qui connurent avec Royal de Luxe une audience internationale.

La vitalité du théâtre de rue se reflète en France dans les très nombreux festivals – à commencer par celui d’Aurillac – qui lui sont consacrés et qui sont suivis par un large public populaire. Dans son ensemble, ses concepteurs sont restés fidèles au mélange des genres – jeu, danse, marionnettes, cirque, objets et sculptures animés, musique et projections vidéo –, en multipliant les points de vue et en racontant une histoire. Celle-ci est devenue moins subversive, préférant l’allusion à la provocation ou à la dérision, mais reste toujours ludique ou féérique, tandis que la dimension proprement urbaine s’est parfois estompée, certains spectacles passant des parvis ou de la rue pour se produire dans des espaces clos et payants, ou, après adaptation, dans des lieux de représentation plus ou moins traditionnels. Cette situation résulte des desiderata de programmateurs en fonction du marché ou de volontés municipales locales. Mais, comme le constatait un de ses acteurs : « Le théâtre de rue est d’abord un esprit avant d’être un lieu ou un espace. » Cependant, s’il veut conserver sa lisibilité et son originalité identitaire, il semble sans doute nécessaire qu’il réaffirme ses orientations.

— Jean CHOLLET

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