THÉÂTRE OCCIDENTAL Histoire
La Renaissance
L'Europe, de nom, est encore la Chrétienté. Cependant, l'Église romaine, si elle n'a pas renoncé à sa vocation œcuménique, est trop affaiblie par le schisme pour tenir d'une main ferme les clefs de la civilisation. Grandes découvertes, grandes inventions, révolution copernicienne, restitution des lettres antiques, tout semble se liguer contre la conception théocentrique de l'univers.
C'est l' Italie qui fut alors pour l'Occident l'initiatrice : la langue, la poésie et la philosophie y étaient, comme les arts plastiques, en avance sur le reste de l'Europe : l'érudition y fécondait la création esthétique ; la cour, fût-elle pontificale, la rue et l'université participaient d'un même élan à la réconciliation de l'homme et de la nature. En toute occasion, la gloire et le bonheur terrestres y étaient célébrés par des cortèges, des ballets, des mascarades pour lesquels Vinci imaginait des machines, Raphaël des décorations et les poètes de galantes allégories. Avec la pastorale, le thème de l'amour prend possession du roman et de la scène, non pas l'amour sublimé des platonisants, mais l'Érôs voluptueux et fatal qui s'assouvit au mépris des lois divines et humaines. Cependant, au seuil du siècle, La Tragi-comédie de Calixte et de Mélibée (La Célestine) marque une étape décisive dans la genèse de la tragédie moderne. Il s'agit, en fait, d'un roman dialogué, étiré sur vingt et un actes, injouable tel quel. Son auteur, Fernando de Rojas, le destinait à la lecture publique. Tragique est le vertige passionnel qui entraîne les amants vers la mort, comme Iseut et Tristan jadis, comme bientôt les deux adolescents de Vérone. Ce qui est tragi-comique, c'est le contexte réaliste (le bouge, la rue, un riche intérieur bourgeois) où s'enlève, sous des éclairages contrastés, la figure de la maquerelle. La pègre ici décrite témoigne, comme dans le Testament de Villon, de l'universelle sujétion au désir et à la mort.
La diffusion du livre imprimé incite les dramaturges à rechercher le suffrage des lettrés en cultivant les beautés littéraires. Tragédie et comédie sont des poèmes, et proposés comme tels à la réflexion sur les fins et les moyens de l'art. Les Castelvetro, les Piccolomini, les Cintio, les Scaliger, renchérissant sur l'essentialisme aristotélicien, ont érigé en dogme la séparation des deux registres et arbitrairement déduit de la Poétiquedu philosophe grec la règle des trois unités.
Parallèlement, sur les bases du célèbre traité de Vitruve, un architecte contemporain d'Auguste, s'élabore une révolution de la scénographie. Le teatro Olimpico de Vicence, œuvre de Palladio (1585), reconstitue en lieu couvert les structures romaines de l'hémicycle et du corps de scène. Mais l'invention déterminante lui est antérieure d'un demi-siècle : c'est l'utilisation de la perspective picturale. À Vicence même, Serlio avait conçu un plateau en profondeur permettant la plantation de portants en équerre, peints en trompe l'œil et disposés de part et d'autre d'un axe médian en fuite vers le fond. Ce dispositif, dit « à l'italienne », avait pour effet de créer une illusion optique aussi parfaite que celle que procure un tableau. Jusqu'à nos jours, les continuateurs de Serlio le perfectionneront, grâce aux progrès du luminaire et de la machinerie, sans en modifier le principe.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Robert PIGNARRE : agrégé de lettres, maître assistant honoraire à la Sorbonne
Classification
Média
Autres références
-
LA PARABOLE OU L'ENFANCE DU THÉÂTRE (J.-P. Sarrazac)
- Écrit par Hélène KUNTZ
- 1 002 mots
La Parabole, ou l'Enfance du théâtre (éd. Circé, Belval, 2002) convie le lecteur à une réflexion ambitieuse sur le théâtre du xxe siècle, et en particulier sur l'œuvre de ces grands parabolistes que sont Claudel et Brecht, mais aussi Kafka, dont Jean-Pierre Sarrazac analyse le théâtre «...
-
ACTEUR
- Écrit par Dominique PAQUET
- 6 815 mots
- 2 médias
Si l' acteur force si souvent le respect ou l'exécration, cela signifie bien qu'il travaille avec les outils les plus précieux de l'humanité en l'homme : le corps et la psyché. Qu'il engendre, par un jeu de métamorphoses, à la fois la familiarité et l'étrangeté, qu'il réfracte l'envers et l'avers de...
-
ALLEMAND THÉÂTRE
- Écrit par Philippe IVERNEL
- 8 394 mots
- 2 médias
Alors que l'Allemagne a refait son unité par intégration de l'ex-RDA à la RFA, il y a lieu de revoir l'évolution séparée des théâtres ouest-allemand et est-allemand depuis 1945, afin de mieux apprécier leur divergence passée ainsi que leur conjonction présente. Quel fonds commun « germano-allemand...
-
ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature
- Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ , Jacques DARRAS , Jean GATTÉGNO , Vanessa GUIGNERY , Christine JORDIS , Ann LECERCLE et Mario PRAZ
- 28 170 mots
- 30 médias
Le goût populaire avait conservé au théâtre anglais l'aspect moyenâgeux de successions de tableaux, comme dans les mystery plays, de sorte que les unités de temps, de lieu et d'action ne purent pas s'acclimater en Angleterre. Pour différents que soient les auteurs dramatiques qui élevèrent... -
ANTIGONE, Jean Anouilh - Fiche de lecture
- Écrit par Guy BELZANE
- 1 534 mots
- 1 média
Antigone est une pièce en un acte de Jean Anouilh (1910-1987), directement inspirée des deux tragédies de Sophocle consacrées à la fille d'Œdipe : Œdipe à Colone (402-401 av. J.-C.) et surtout Antigone (442 av. J.-C.). À sa création, le 4 février 1944 au théâtre de l'Atelier à...
- Afficher les 68 références