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THÉÂTRE OCCIDENTAL Histoire

Le théâtre au XXe siècle

À partir des années 1920, deux facteurs ont commandé l'évolution de l'art théâtral : le triomphe de la révolution bolchevique, entraînant en Europe occidentale une crise des valeurs bourgeoises, liées à l'économie capitaliste, et l'essor de la création cinématographique. Le cinéma a longtemps tenu, avant d'entrer en concurrence avec d'autres médias, le rôle social qui fut celui du théâtre populaire. Et de ses moyens d'expression, de son traitement de l'espace, de la durée, de la lumière, bientôt de la parole, la scène n'a pas tardé à s'approprier tout ce qui pouvait s'adapter à sa structure et à son optique.

Si les structures héritées d'une longue tradition se maintiennent, elles s'ouvrent à des préoccupations nouvelles : la psychologie intègre l'apport de la psychanalyse ; l'étude des conflits de portée morale ou sociale se prolonge en interrogation sur les valeurs, sur la signification de l'existence, et en interprétations modernes des anciens mythes. Des poètes, des romanciers, des philosophes soumettent à l'épreuve de la scène leur pensée et leur talent d'écrivain. Qu'il soit de divertissement, de critique, de réflexion ou de témoignage, qu'il construise un discours logiquement articulé, projette des fantasmes oniriques ou joue sur le pouvoir désintégrant et révélateur du langage livré à lui-même, ce théâtre demeure littéraire : c'est un théâtre d'auteurs. Et les metteurs en scène qui le servent ont pour souci majeur, suivant l'enseignement de Copeau, d'assurer « la domination du poète sur l'instrument dramatique ».

Après 1930, avec la remontée en flèche des périls, la recherche au niveau de l'expression, quelle que soit l'audace des moyens mis en œuvre, ne paraît plus être un principe de renouvellement. Une autre tendance a dominé l'évolution du théâtre au cours du dernier demi-siècle. Elle est orientée par la volonté de promouvoir une culture de masses. Elle a son point de départ dans le mouvement expressionniste.

Déjà, dans l'Allemagne traumatisée des années 1920, un militant du groupe Spartakus, Erwin Piscator, pour réveiller dans le prolétariat prostré par la misère l'instinct de la lutte, avait inauguré une technique de choc visant à investir l'inconscient du spectateur.

En Europe de l'Ouest comme aux États-Unis, la stylisation expressionniste, vulgarisée par le cinéma allemand de l'époque, et détournée pour un temps de ses visées révolutionnaires, accoutume à une vision plus synthétique un public fervent spectateur des jeux du stade, des combats du ring et des arènes, des courses de bolides, des acrobaties aériennes, et qui déjà s'apprivoise aux stridences syncopées du jazz, à l'art « abstrait », à l'onirisme surréaliste, et bientôt, à travers Kafka, au vertige intellectuel de l'absurde. Au contraire, en U.R.S.S., où le temps de l'agitation est révolu, le constructivisme de Meyerhold et de Taïroff se verra condamner, au nom du « réalisme socialiste », comme entaché de « formalisme » bourgeois.

Cependant, Antonin Artaud dénonce la dégénérescence d'un humanisme sénilisé : « L'idéal européen de l'art vise à jeter l'esprit dans une attitude séparée de la force et qui assiste à son exaltation » (Le Théâtre et son double, 1938).

Le didactisme brechtien semble se situer à l'opposé par le mécanisme de « distanciation » qu'il fait jouer. En fait, la fiction épique dialectisée, chez Brecht, aboutit, comme chez Artaud la technique d'envoûtement, à refuser la vertu cathartique de l'évasion dans l'imaginaire et de la délectation esthétique. Les expériences de défoulement collectif dérivées du psychodrame, liées[...]

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Écrit par

  • : agrégé de lettres, maître assistant honoraire à la Sorbonne

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Henrik Ibsen - crédits : Universal History Archive/ Universal Images Group/ Getty Images

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