THÉÂTRE OCCIDENTAL L'École du spectateur
L'école du spectateur est en passe de devenir un concept clé de la politique culturelle française malgré les difficultés que rencontre sa mise en place. Ce n'est pas le moindre de ses paradoxes. En effet, il n'est pas un établissement culturel qui ne se dote de dispositifs culturels et artistiques en direction des jeunes, des adultes et des élèves. Dans le même temps, la nécessité de l'éducation artistique continue de faire question. Dans sa structure, le terme école renvoie dans la mentalité collective à des dispositifs de contrainte, tandis que celui de spectateur évoque une dimension ludique. Bien qu'apparue au xxe siècle, la définition la plus récente décrit, sous la plume de J. P. Loriol et J. C. Lallias, « une démarche éducative par laquelle les élèves apprennent à devenir des spectateurs actifs et désirants et à appréhender le théâtre comme une pratique artistique vivante, au-delà de la seule expérience de l'analyse littéraire des textes ».
Un engagement philosophique et pédagogique
Ce concept est issu d'une longue histoire de l'éducation dont l'origine remonterait à Condorcet et à son Rapport sur l'organisation générale de l'instruction publique (1792). L'idée directrice en est que la culture ne doit pas être réservée à une seule classe, mais qu'elle peut être partagée par tous. Dans les années 1930, le théâtre va être considéré par un grand nombre de pédagogues ou d'enseignants comme un instrument de pédagogie, à l'instar de ce que pratiquaient les Jésuites jusqu'en 1762, ou de madame de Maintenon qui avait ouvert la voie en commandant à Racine Esther (1689) et Athalie (1690) pour les demoiselles de Saint-Cyr. Ignoré au xixe siècle, le théâtre à l'école réapparaît ainsi au xxe siècle, à l'intérieur d'une réflexion sur l'éducation populaire portée par trois courants : les traditions laïque et chrétienne, le mouvement ouvrier.
C'est dans la perspective chrétienne que se situe en effet l'œuvre de Léon Chancerel (1886-1965) dont on peut dire qu'il est à l'origine de l'école du spectateur. Ce collaborateur de Jacques Copeau et de Louis Jouvet a toujours souhaité apporter le théâtre au peuple. Avec sa compagnie les Comédiens Routiers, il mène de front son projet artistique et la transmission aux jeunes de l'apprentissage du jeu dramatique, destiné à favoriser la construction de leur personnalité, à les aider à s'épanouir physiquement et spirituellement.
Tous les groupements de jeunesse développeront peu à peu une méthode dérivée de celle de Chancerel qui fait émerger la notion d'animation culturelle en accompagnant ses spectacles d'informations, de causeries sur la vie de l'auteur, la nature de la pièce considérée d'un point de vue historique, social, politique, etc. Il met en œuvre pendant les années 1930 les trois problématiques de ce que seront par la suite les futures politiques culturelles : éducation, médiation, création.
En posant précisément les jalons d'une politique culturelle, le Front populaire va encourager l'accès à la culture. Une tentative que poursuivra à sa manière le gouvernement de Vichy avec l'association Jeune France et les chantiers de jeunesse. Mais c'est surtout après 1945 que les C.R.A.D. (Centres régionaux d'art dramatique), et qu'un corps d'instructeurs spécialisés contribuent à former des spectateurs par des débats, conférences, stages et spectacles. Si les nouveaux centres dramatiques conçoivent des documents à destination des publics scolaires, les artistes ne pénètrent qu'exceptionnellement dans les classes. Au festival d'Avignon, Jean Vilar s'appuie, lui, sur les groupements des C.E.M.E.A. (Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active) pour susciter des[...]
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Écrit par
- Dominique PAQUET : docteur en philosophie, écrivain
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