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THÉÂTRE OCCIDENTAL L'interprétation des classiques

La diversification des textes de répertoire

Sur le second point, qui est celui de la diversification du répertoire, il est clair aussi que les choses évoluent, ou ont évolué. Certes, Shakespeare règne en maître, et il est sans cesse exploré, dans le détail. Les manières de le mettre en scène et de le traduire, de le placer comme un enjeu multiple, de le transporter dans le cadre du théâtre oriental (Ariane Mnouchkine), ou de l'intégrer à une réflexion sur la politique contemporaine (Matthias Langhoff) sont des débats qui traversent de part en part la scène actuelle. De Langhoff (Richard III, 1995) à Jean-Louis Benoit (Henry V, 1999), le théâtre shakespearien, en particulier les tragédies historiques, est le lieu d'un travail qui consiste à réinterpréter et à réinvestir l'histoire du temps passé (temps de la fiction shakespearienne, temps de la production de la pièce) comme du temps présent (Richard III et la guerre moderne ; Henri V, représenté pour la première fois en France, exposant la violence anglo-française au moment de la conflictuelle et nécessaire mise en place de l'Europe).

Ces questions indiquent à quel point les pièces de Shakespeare concentrent en elles les problèmes du théâtre actuel, si bien que tout metteur en scène est amené à les affronter. Une hégémonie qui a pour effet de placer la plupart des mises en scène et plus particulièrement les mises en scène du répertoire en regard de l'auteur élisabéthain. Pour autant, Shakespeare doit-il être, presque seul maître à bord des vaisseaux amiraux du théâtre mondial, à peine concurrencé par quelques classiques autochtones : Molière en France, Calderón en Espagne, Goethe en Allemagne, Pirandello en Italie, qui peinent à le suivre ?

Cependant, on voit d'anciennes valeurs remonter à la bourse de la mise en scène, à la faveur de nouvelles traductions, de nouvelles études universitaires, ou parce que leurs textes permettent qu'une actualité s'y glisse. Il en est ainsi de Sénèque, grâce aux traductions fortes et brûlantes de Florence Dupont ; de Marlowe, parce qu'il y a Shakespeare ; de Marivaux, pour relire autrement le marivaudage et échapper à des décennies de mièvre traîtrise. Mentionnons aussi le Corneille des comédies, Goldoni, quelques rares auteurs baroques, et, à part, l'impossible Racine. On peut regretter cet état de fait, au nom de la variété plus que du nationalisme culturel. Mais l'autorité de Shakespeare et son succès comptent peut-être parmi les raisons pour lesquelles d'autres textes, français ceux-là, et espagnols, ont été « redécouverts » depuis quelques années, car le « répertoire » est maintenant devenu européen.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre

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Média

Jean-Pierre Vincent - crédits : Pascal Victor/ ArtComPress/ Leemage/ Bridgeman Images

Jean-Pierre Vincent

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