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THÉÂTRE OCCIDENTAL L'interprétation des classiques

Corneille, enjeu majeur

C'est autour de la figure de Corneille que se sont concentrés les enjeux majeurs en matière de répertoire classique, avant même d'entraîner les auteurs baroques, puis Racine, dans son sillage.

Depuis les premiers festivals d'Avignon, et grâce à Vilar, les comédies de Corneille sont régulièrement revisitées alors que, parallèlement, la critique littéraire des années 1960-1970 insiste sur la première partie du xviie siècle et ce qu'elle appelle « le courant baroque » (Jean Rousset). Rompant enfin avec l'idée d'un siècle classique et compassé, les critiques universitaires et les metteurs en scène se complètent pour donner à voir le « jeune Corneille », celui qui met le jeu amoureux et l'ironie au service de son théâtre. Un Corneille qui produit des comédies où l'argent est le moteur de l'intrigue. Un moteur auquel l'amour se soumet. L'inconstance, le plaisir du jeu et l'intérêt personnel deviennent alors les questions traitées par le théâtre grâce aux comédies cornéliennes. Mais surtout, Corneille parvient à faire, par les moyens du théâtre, l'apologie du théâtre lui-même, à la fois comme lieu du plaisir et du jeu et comme lieu de légitimité sociale.

Longtemps après Vilar, Georges Bézu – qui monta à Aubervilliers les premières comédies de Corneille enchaînées dans un seul spectacle –, puis Christian Rist – La Veuve au théâtre de l'Athénée (1990) –, Brigitte Jaques – La Place royale, à Aubervilliers –, évidemment Giorgio Strelher – L'Illusion, à l'Odéon (1985) – et Jean-Marie Villégier – L'Illusion comique, à l'Athénée (1997) –, entre autres grands noms, firent de l'auteur de Cinna un autre dramaturge, sûrement plus proche des attentes du public des années 1980-1990. Le public découvrit ainsi un xviie siècle qui joue avec le théâtre et les mots, en particulier dans L'Illusion comique. En même temps que l'univers du théâtre moderne s'interrogeait sur sa pratique, son autonomie, et sur l'expérience du vrai et du faux, Strehler et Villégier montrèrent comment, plus de trois siècles auparavant, un brillant jeune auteur avait produit une structure enchâssée tout entière tournée vers l'apologie de l'art théâtral. Avec Strehler, l'illusion comique – c'est-à-dire théâtrale – rendait ostensible sa magie et prenait les spectateurs à ses pièges, tandis qu'avec Villégier le théâtre se représentait avec distance et humour, jamais certain du réel qu'il transmet, toujours conscient de l'art qu'il produit. Brigitte Jaques, sans céder à une actualisation facile, transposa l'univers des jeunes gens de La Place royale dans le courant des années 1960, décors et costumes inclus. Dès lors, sans rien abandonner sur le plan du texte et de la diction, les alexandrins cornéliens prirent une tout autre valeur parce qu'ils introduisaient une distance, une poésie et simultanément un jeu de contraintes pour les jeux amoureux des personnages. Comme s'il devenait possible de comprendre que la pièce de Corneille était enfin lisible et visible au regard de notre temps, sans pour autant ignorer le temps de son origine, le xviie siècle. En toute conscience que ce texte était lu et apprécié, de nos jours, par des spectateurs du début des années 1990, la mise en scène d'Aubervilliers montrait ainsi simultanément des personnages tricentenaires et des jeunes gens des sixties. Par ce système de rapports entièrement fondé sur les distances temporelles, il fut donc donné à comprendre que le déroulement des temps marque aussi la permanence du jeu amoureux et du jeu théâtral.

Il y a une autre raison pour laquelle Corneille fait figure d'enjeu, c'est évidemment qu'il a été de plus en plus nettement considéré comme une sorte[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre

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Média

Jean-Pierre Vincent - crédits : Pascal Victor/ ArtComPress/ Leemage/ Bridgeman Images

Jean-Pierre Vincent

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