THÉÂTRE OCCIDENTAL La théâtralité
Théâtre et fête
Dans sa Lettre à d'Alembert..., dite, pour simplifier, sur les spectacles (1758) Rousseau juge le théâtre moralement dangereux et, d'ailleurs, inutile. « Quoi ! écrit-il au moment de terminer, ne faut-il donc aucun spectacle dans une république ? Au contraire, il en faut beaucoup. » Mais quel genre de spectacle ? Tout est là. « Plantez au milieu d'une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête. Faites mieux encore : donnez les spectateurs en spectacle : rendez-les acteurs eux-mêmes... » Rousseau choisit comme exemples des concours de gymnastique, des « joutes » de bateliers sur le lac de Genève, des bals publics.
L'idée fut volontiers reprise dans les années 1960 non pour opposer la fête au théâtre, mais pour faire du théâtre une fête. Tel est, par exemple, le but du happening : en principe, il supprime la dualité scène-salle, la dualité acteur-spectateur ; toujours en principe, il supprime une action préalablement fixée dans un texte ou même un scénario : il faut que tout puisse arriver (to happen). S'il y a toujours loin du principe aux applications, ce qui importe ici, c'est l'intention qui, on le comprend aisément, peut devenir une tentation pour le créateur de spectacles populaires.
La question est sérieuse. Il n'y a, en effet, aucun avantage à mettre sous le même mot des choses différentes : l'opération ne peut entraîner que la confusion. Si l'on met sous le mot « théâtre » ce qu'évoquent les noms de Sophocle, de Shakespeare, de Molière, de Claudel (en choisissant des esthétiques théâtrales variées), on ne peut y mettre aussi les fêtes : dans le premier cas, il y a une œuvre avec un auteur qui la crée, des acteurs qui la recréent, des spectateurs qui sont les complices de cette re-création ; or, dans la fête, il n'y a aucune œuvre, pas même ce schéma directeur qui orientait les improvisations de la commedia dell'arte.
Il y a une notion générale, celle de spectacle, avec des types de spectacles différents : un match, une course de chevaux, la revue du 14-Juillet, une manifestation sont des spectacles ; le théâtre est un spectacle qui a pour principe et pour fin une œuvre théâtrale, ce qui est très différent.
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Écrit par
- Henri GOUHIER : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à la Sorbonne, membre de l'Académie française et de l'Académie des sciences morales et politiques
Classification
Média
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