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THÉÂTRE OCCIDENTAL Le mélange des genres

Le théâtre et ses technologies

À travers son histoire, le théâtre a toujours su faire place à de nouvelles techniques qui pouvaient être bénéfiques à son expression et à son renouvellement. L'évolution des mécanisations des machineries, les outils de la lumière et de la sonorisation mis au point depuis le xixe siècle en témoignent. Mais il existe une différence importante entre la machinerie cachée, longtemps utilisée pour créer l'illusion, et la volonté d'intégrer certains artefacts technologiques à la représentation théâtrale. Cette nouvelle tendance semble pourtant bien admise aujourd'hui et peu de praticiens en rejettent les procédés, qui contribuent à conforter leur expression théâtrale. Le grand scénographe et metteur en scène tchèque Josef Svoboda (1920-2002), inventeur de la Laterna Magica et du « polyécran », affirmait que « le théâtre moderne a droit aux nouvelles techniques comme les maisons modernes ont droit aux ascenseurs, aux buanderies et aux séchoirs ». Mais, il ajoutait : « La technique peut soit compromettre la mise en scène, soit, avec son concours, préparer pour le public une magistrale œuvre d'art. » C'est dans cette ambivalence de résultat que se situe le degré d'utilisation des nouveaux apports technologiques. Comme le soulignait Joseph Danan, « vouloir préserver la scène de techniques nouvelles ou relativement neuves comme la vidéo est une absurdité aussi grande que de décréter qu'il n'y a plus de spectacle possible hors de leur utilisation et que le théâtre tel qu'on le connaissait est un archaïsme voué à la disparition » (Théâtre public, no 127, janvier 1996). Serge Rezvani, qui a écrit pour le théâtre, élargit cette affirmation : « Il va de soi que l'évolution technologique entraîne avec elle toutes les autres formes d'expression et qu'aucun art ne peut ignorer les techniques nouvelles » (Du théâtre, la revue, no 9, été 1995). Au théâtre, la plus spectaculaire d'entre elles est liée aux images vidéo, de plus en plus présentes sur les scènes. Si la cohérence et la justesse de leurs applications demeurent parfois aléatoires, un cap semble avoir été franchi ces dernières années avec l'instauration d'un dosage affiné de leur utilisation. Les images vidéo tendent davantage vers la création d'environnements capables de réagir à la présence de l'acteur sans se substituer à lui, ou de l'accompagner dans son rapport au public par le biais de captations en direct réalisées sur le plateau dont les cadrages démultiplient, accentuent ou modifient son interprétation dans le sens souhaité par le metteur en scène. Par sa souplesse d'utilisation et l'association de ses possibilités techniques, numériques, informatiques, la vidéo offre un potentiel expressif large permettant de marier ou d'opposer le réel au virtuel à travers les images de synthèse. Elle permet aussi de dépasser la distinction entre la présence et l'absence, le concret et l'abstrait, le visible et l'invisible, pour entrer – suivant les besoins – en résonance avec une œuvre dramatique. Ses niveaux de perception s'ajoutent dans la simultanéité ou l'alternance, permettant une extension de l'espace théâtral. Il est donc normal qu'une nouvelle génération de metteurs en scène soit intéressée par cet apport technique et engage ou fonde sa démarche artistique en fonction de son utilisation, devenue constitutive de la dramaturgie. En France, c'est notamment le cas du jeune collectif M × M, animé par Cyril Teste, issu du Conservatoire national supérieur d'art dramatique qui, dans sa recherche d'interdisciplinarité artistique, intègre l'image vidéo au théâtre. Dans Reset (2010), qui croise des histoires gravitant autour des thèmes de l'amnésie et[...]

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Médias

<em>Les Damnés</em>, I. van Hove - crédits : Anne-Christine Poujoulat/ AFP

Les Damnés, I. van Hove

Pina Bausch - crédits : N. Stauss/ AKG-images

Pina Bausch

<it>Au revoir parapluie</it>, J. Thierrée - crédits : J.-L. Fernandez

Au revoir parapluie, J. Thierrée

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