THÉÂTRES DU MONDE La tradition chinoise
Les Occidentaux ignorent tout des conventions de l' opéra chinois et, quand ils ont l'occasion de voir une pièce, ils sont réservés ou réfractaires à ce qui en fait la qualité, mais applaudissent à tout rompre les aspects spectaculaires qu'un amateur chinois mépriserait. Le barbare venu de l'Occident n'a pas tort pour autant : ce qui l'intéresse, ce n'est pas d'augmenter son savoir sur l'opéra chinois en lui-même, c'est d'y trouver des éléments qui l'aident à se créer de nouveaux spectacles. Ce qui le séduit, c'est que la technique théâtrale, le chant, la musique, la stylisation des gestes, les maquillages, l'inclusion de ballets lui donnent une impression de nouveauté audacieuse par rapport à sa propre tradition, à son souci de la vraisemblance, à sa classification étanche des arts. Là où le Chinois ne voit le plus souvent que des règles astreignantes, artificielles, caduques, l'Occidental trouve une inspiration qui rejoint ses créations les plus contemporaines : élaboration d'un univers scénique qui ne copie pas la réalité mais en donne un équivalent à la fois très artificiel et plus puissant que toute imitation du réel. Pour le Chinois, l'opéra chinois est un art classique ; pour l'Occidental, c'est une des formes les plus audacieusement modernes de l'art théâtral.
La technique théâtrale
Le théâtre classique chinois est la synthèse de différents éléments et, à la différence de la tradition occidentale, le texte n'a pas une importance primordiale, il est librement adapté pour servir l'ensemble.
Des types de personnages
Quel que soit le personnage individuel, il doit entrer dans une des catégories suivantes : personnages masculins (sheng), personnages féminins (dan), visages peints (jing), clowns (chou). Chaque catégorie est elle-même divisée. Parmi les personnages masculins, par exemple, on a les vieillards à barbe blanche (mo), les hommes d'âge mûr avec une barbe (lao sheng), les guerriers (wu sheng), les jeunes premiers (xiao sheng). Les personnages féminins comprennent les vieilles femmes (lao dan), les femmes respectables, appelées « habits noirs » (qing yi), les coquettes et servantes (hua dan), les femmes guerrières (wu dan). Il y deux grands types de visages peints : les ministres traîtres au visage blanc mat avec quelques lignes noires indiquant les rides (da hua lian) et les visages peints avec un maquillage aux couleurs brillantes (er hua lian) ; cette catégorie propose un maquillage spécial pour chaque individu, si bien qu'on peut mettre un nom sur chaque maquillage ; ces visages peints sont souvent des généraux ou des personnages violents, que l'individualisation de leur maquillage permet de reconnaître immédiatement. Les clowns portent une tache blanche au milieu du visage ; ils peuvent être soit des guerriers, soit des personnages civils. En outre, on a les gardes (long tao) et les combattants (shang xia shou), qui jouent les soldats de deux camps opposés et dont le jeu se limite à des mouvements d'acrobatie.
Chaque catégorie de personnages nécessite des mouvements, une voix, parfois des costumes, qui lui sont propres, si bien que la plupart des acteurs ne jouent qu'une catégorie de personnages. Dans l'opéra de Pékin, les rôles les plus importants étaient dévolus aux personnages masculins d'âge mûr (lao sheng), mais, dans l'entre-deux-guerres, avec les Quatre Dan célèbres, dont le plus fameux était Mei Lanfang, les rôles féminins sont aussi passés au premier plan et des pièces ont été spécialement montées pour leur donner la vedette.
Les dialogues et monologues parlés
Chaque catégorie de personnages adopte une voix particulière. La prononciation des mots diffère du parler local, sauf pour les clowns. Les acteurs disent que c'est l'élément le plus difficile, car il[...]
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Écrit par
- Jacques PIMPANEAU : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
Classification
Médias
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