THÉÂTRES DU MONDE La tradition indienne
Le théâtre non traditionnel
Théâtre populaire
Parallèlement à ce théâtre conventionnel s'est développé en Inde, depuis un temps également immémorial, un théâtre non écrit de forme assez fruste mais présentant un intéressant répertoire de folklore où alternent dialogues, chants, intermède musical ou dansé. Manifestant la vigueur que laisse l'indépendance, combinant tradition orale et improvisation, il a sans cesse « alimenté, inconsciemment dirigé le théâtre proprement littéraire ». Les drames de Tagore, par exemple, n'ont-ils pas, en s'appuyant sur des légendes du Bengale, obtenu l'attention du public en répondant à sa sensibilité ?
Le vrai théâtre populaire a surtout lieu dans les campagnes. Mulk Raj Anand, durant une nuit entière, assista avec émotion, à Guntur, dans l'État de Madras, à une représentation de la ballade de Venkataramani dite par trois jeunes paysans. Trente mille spectateurs attentifs et passionnés y reprenaient les refrains en chœur !
Chaque province, selon son goût et ses moyens d'expression, présente des particularités. En pays marathe, on assiste à des drames historiques, des comédies sociales ou satiriques. En pays andhra, on puise l'inspiration plus spécialement dans le terroir. Un des éléments de la réalisation est la burrakathā, récitation bardique mêlée de chant populaire (en langue télougou) à trois personnages dont l'un est le maître de jeu, les deux autres chantant en s'accompagnant d'un tambour oblong. Et c'est encore dans le sud de l'Inde, en pays tamoul et andhra, que se pratique le théâtre d'ombres pour exprimer des scènes du Rāmāyana et du Mahābhārata : derrière une toile tendue et éclairée, des figurines de peaux découpées, animées par un manipulateur (analogue au wayang kulit de Java) ou suspendues à plusieurs fils actionnant le corps et les bras (technique du wayang golek), apparaissent en transparence.
Le kathākali
Par l'utilisation d'une technique très particulière, le spectacle du kathākali, qui se pratique au Kérala, exprime le plus souvent des épisodes du Rāmāyana. Les acteurs, rhapsodes professionnels, revêtus de costumes somptueux alourdis d'ornements allégoriques, présentent un visage rendu impassible par l'épaisseur d'un maquillage qui atteint la consistance d'un masque. L'expressivité est due au jeu symbolique des mains et des doigts qui réalisent les mudras ou « sceaux ». Leur origine est très ancienne et les traités de mimique du théâtre traditionnel nomment en les décrivant avec précision chacun des gestes symboliques. Ainsi, pour figurer l'arrosage d'un arbre, l'héroïne « dispose d'abord ses mains en nalinīpadmakoṣa (bourgeon de lotus), et elle les croise sans les appliquer l'une contre l'autre, les recourbe en bec de perroquet et les tourne vers le sol en opposant le revers de l'une au revers de l'autre ». Mais le kathākali a multiplié les figurations complémentaires en partant des positions fondamentales ou « clefs », de manière à décrire symboliquement les objets, les émotions ou les notions les plus abstraites.
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Écrit par
- Marie-Simone RENOU : membre de l'École française d'Extrême-Orient, diplômée de l'École pratique des hautes études
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