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THÉÂTRES DU MONDE Le théâtre dans le monde arabe

Le théâtre du Boulevard

Le succès d'al-Qabbānī suscita des vocations chez beaucoup de Libanais, de Syriens et d'Égyptiens des deux sexes qui formèrent une dizaine de troupes pendant la première moitié du xxe siècle. Le théâtre, autrefois frappé de discrédit, acquit ses lettres de noblesse : on vit monter sur les planches un avocat, ‘Abd ar-Raḥmān Rushdī, et le fils d'un pacha, Yūsuf Wahbī.

La diversité des goûts du public égyptien amena les troupes à se spécialiser. Certaines jouèrent exclusivement des pièces lyriques (Salāma Ḥiǧāzī, Munīra al-Mahdiyyah), d'autres des comédies et des vaudevilles (Naǧīb ar-Riḥānī, ‘Alī al-Kasār), la tragédie (Georges Abyaḍ), le drame (Georges Abyaḍ, ‘Abd ar-Raḥmān Rushdī, Fāṭima Rushdī), le mélodrame et le grand guignol (Yūsuf Wahbī).

Alors qu'au xixe siècle les directeurs de théâtre étaient à la fois auteurs et acteurs, ils durent au xxe siècle s'aider d'une foule de « fournisseurs » recrutés parmi les étudiants (dont Tawfīq al-Ḥakīm), les petits fonctionnaires et les journalistes qui écrivaient parfois des pièces originales et adaptaient souvent la production théâtrale de la Belle Époque publiée notamment par La Petite Illustration. Suivant l'exemple de Ǧalāl, les adaptateurs essayaient de donner un cachet national aux pièces qu'ils arrangeaient en dénonçant les dangers qui assaillaient une société en pleine mutation (émancipation de la femme, méfaits de l'adoption du mode de vie occidental, problèmes du mariage mixte).

Ces troupes effectuèrent des tournées dans les pays arabes où elles obtinrent un succès considérable. En 1926, Georges Abyaḍ joua des drames historiques à Baghdad, ce qui encouragea Ḥaqqī Shablī à créer une troupe, mais sa tentative se solda par un échec. En 1947, Simūn al-‘Imarī représenta quelques pièces puis on n'entendit plus parler de lui. En Syrie, ‘Abul Sa‘ūd forma une association théâtrale, mais son entreprise échoua bien vite devant l'indifférence générale.

C'est en Afrique du Nord que l'influence égyptienne a été la plus durable. En 1922, Georges Abyaḍ joue à Alger des drames écrits en arabe classique et destinés à éveiller le sentiment national. La même année, l'élite algéroise crée une troupe, al-Muhazziba (« l'éducatrice »), qui, utilisant une langue littéraire, se heurte à l'incompréhension générale. À partir de 1926, Rachid Ksentini, ‘Allalou et surtout Mohieddine Bachtarzi, dont le succès se prolonge jusqu'en 1950, présentent au public des pièces écrites en arabe dialectal, adaptées en partie du théâtre français et étudiant les problèmes sociaux de l'heure (mariage mixte, émancipation féministe). Ce théâtre, qui rappelle étrangement la production théâtrale égyptienne de la première moitié du xxe siècle, finit par susciter la réprobation des milieux conservateurs et la méfiance des pouvoirs publics français qui pratiquent à son égard une politique d'obstruction.

L'influence égyptienne sur le théâtre tunisien est également importante. C'est en 1907 que l'Égyptien Sulaymān al-Qurdāḥī s'installe en Tunisie avec sa troupe, forme plusieurs acteurs tunisiens dont Lakkudī et Muḥammad Bourguiba (frère du président Bourguiba) qui crée en 1909 une société théâtrale. Peu de temps après, ‘Alī al-Khaznī en forme une autre, ash-Shahāma. L'influence égyptienne devient plus sensible après les tournées qu'effectuent en Tunisie Georges Abyaḍ (1921), Yūsuf Wahbī (1927), Fāṭima Rushdī (1932), et Naǧīb ar-Rīḥānī (1935). Enfin, après son accès à l'indépendance, ce pays fait appel au metteur en scène égyptien Zakī Ṭulaymāt qui dirige pendant plusieurs années une troupe tunisienne. Cependant, le théâtre tunisien commence à sortir de l'ornière grâce au jeu plein d'entrain[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres (Sorbonne), agrégé de l'Université, interprète à l'O.N.U., Genève

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