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THÉÂTRES DU MONDE Le théâtre dans le monde arabe

À ses débuts, le théâtre arabe apparaît comme un art d'importation étrangère ; il a dû lutter longtemps avant d'être admis par la société bien qu'il ait parfois bénéficié de l'aide des pouvoirs publics. Au départ, les auteurs essaient d'acclimater ce genre nouveau en y incorporant les arts traditionnels et en s'inspirant de la maqāma. Ces apports, tant populaires que littéraires, le poids du passé engagèrent le théâtre dans une voie qui ne fut pas toujours la meilleure. Les auteurs ne sont pas parvenus d'emblée à fondre dans le même creuset les divers apports arabes et occidentaux. Ce n'est qu'après un siècle environ que les divers emprunts ont fusionné dans un ensemble original. On peut alors parler d'un théâtre arabe qui a sa personnalité propre, qui existe par soi. Désormais, la source étrangère, mieux assimilée, n'est plus la dominante de l'inspiration des écrivains et artistes, mais constitue un apport plus vivifiant qui, agissant en profondeur, leur permet des créations véritablement arabes.

L'absence du théâtre dans la littérature classique

Les travaux du chanoine Drioton montrent que le théâtre naquit dans l'Égypte ancienne. Outre les mystères d'Osiris, qui remontent à la Ire dynastie, un théâtre laïcisé exista en Égypte dès le IIe millénaire. Pourtant, la tradition théâtrale disparut de l'Égypte à l'avènement du christianisme. Arabisée et islamisée, l'Égypte, comme les autres pays arabes, continua d'ignorer l'art dramatique jusqu'au xixe siècle.

Plusieurs orientalistes ont expliqué par des raisons d'ordre religieux l'inexistence d'un théâtre dans la civilisation arabe : l' islam n'aurait pas toléré qu'on rivalisât avec Dieu, seul façonnier des images ; les musulmans auraient méprisé le théâtre grec, inspiré par le polythéisme et élevant le héros au rang de Dieu. Mais cette thèse est infirmée par le fait que les Arabes ont toléré et même aimé Karagöz et le ta‘ziyah.

Certains auteurs arabes, dont Tawfīq al-Ḥakīm, estiment que les pérégrinations continuelles des nomades, les razzias et les guerres intestines n'ont pas créé un climat propice à la naissance du théâtre. La raison essentielle de ce phénomène est, semble-t-il, à la fois historique et esthétique. Dans le monde méditerranéen, la littérature dramatique était tombée en décadence pendant l'époque romaine et finit par disparaître jusqu'au xe siècle. Les Arabes n'ont donc pas trouvé d'exemples vivants de cet art dans les pays dont ils firent la conquête. Certes, ils auraient pu s'inspirer du patrimoine théâtral légué par la Grèce antique comme ils furent profondément influencés par la philosophie et les sciences grecques. Or, les auteurs arabophones, convaincus que leur propre littérature était inégalable et que « le privilège de la poésie était réservé aux Arabes » (Ǧaḥiz), fondèrent un humanisme à peu près sui generis, hostile à tout apport indo-persan et grec. De plus, il ne s'est trouvé aucun traducteur capable de révéler la beauté du théâtre grec (on traduisit « tragédie » par « panégyrique » et « comédie » par « satire »).

On décèle cependant chez les Arabes certaines manifestations scéniques. La grande tradition des clowns s'accompagne souvent de mimique. La littérature romanesque, et notamment Les Mille et Une Nuits, les gestes et la maqāma (séance) contiennent des répliques dialoguées. Une certaine théâtralité réside aussi dans quelques rites et cérémonies pseudo-religieuses : le zar, rite de dépossession qui a ses personnages masqués, la danse des derviches tourneurs et surtout le ta‘ziyah shī‘ite, qui est un théâtre religieux commémorant le sacrifice de Ḥusayn, petit-fils du Prophète, massacré le 10 octobre[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres (Sorbonne), agrégé de l'Université, interprète à l'O.N.U., Genève

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