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THÉÂTRES DU MONDE Le théâtre japonais

Scène de kabuki - crédits : Herve Bruhat/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Scène de kabuki

Une rare perfection formelle, résultat d'une recherche constante dans des voies diverses et toujours originales, un répertoire d'une haute tenue littéraire dû à des dramaturges de génie, à qui seule la faible diffusion hors de leur pays de la langue dont ils usèrent interdit d'occuper la place qui leur revient aux côtés des plus grands dans le panthéon des gloires universelles, voilà qui suffirait à retenir pour les trois formes classiques du théâtre japonais : , jōruri et kabuki, l'attention de qui s'intéresse à l'art dramatique.

De plus, l'historien du théâtre et le comparatiste trouveront là une matière sans doute unique au monde, du fait que ces formes d'art spécifiques se sont constituées de toutes pièces à des époques où le pays s'était pratiquement fermé aux influences étrangères, donc en partant d'éléments autochtones ou déjà assimilés. Si l'on ajoute à cela l'existence d'une documentation écrite précise et abondante relatant les diverses étapes de leur formation et la transmission, par une tradition ininterrompue jusqu'à nos jours, non seulement de chacune de ces formes dans leur état achevé, mais de certaines des étapes intermédiaires qui y menèrent, l'on comprendra que l'étude du théâtre japonais dans son ensemble fournit des thèmes de réflexion extrêmement stimulants sur les conditions de la naissance et de l'évolution de l'art dramatique dans une société déterminée, ainsi que sur le rôle sociologique et esthétique de cet art dans la formation d'une structure culturelle globale. Et le plus surprenant n'est certes pas que ce théâtre présente des caractéristiques qui lui sont propres, mais plutôt que l'on puisse y retrouver certaines données universelles, que l'on puisse, par exemple, analyser jusque dans le détail les drames de Chikamatsu selon les critères mêmes qui vaudraient pour Shakespeare : dans de telles conditions, les rencontres, voire les coïncidences, ne peuvent être fortuites : elles ne peuvent traduire autre chose que des constantes inhérentes à la structure même de l'esprit humain. On ne s'étonnera plus de trouver dans les écrits théoriques de Zeami consacrés au nō (qui est, de tout le théâtre japonais, la forme la plus éloignée de nos conceptions) des analyses ou des conseils techniques rejoignant les recherches les plus récentes des metteurs en scène occidentaux les plus audacieux.

Les formes ancestrales

Parmi les éléments de la culture chinoise importés massivement au viiie siècle figuraient un certain nombre de divertissements que l'on peut tenir pour des formes rudimentaires des arts du spectacle. Selon leur contenu et leur destination, on les a classés sous trois rubriques : gigaku, bugaku et sangaku.

Les gigaku

Masque de <it>gigaku</it> - crédits : Bequest of Grenville L. Winthrop,  Bridgeman Images

Masque de gigaku

Importés en 612, les gigaku ne sont plus connus que par la brève description qu'en donne Koma Chikazane au xiiie siècle, dans un traité musical, et par deux cent vingt-trois masques conservés dans des musées ou des monastères de Nara. Il s'agirait d'une sorte de mascarade de carnaval, d'un défilé de grotesques dansant au son d'une musique grossière, mêlé de courtes pantomimes réinterprétées en fonction d'une symbolique bouddhique. Spectacle populaire qui avait drainé à travers l'Asie centrale et la Chine les éléments les plus hétéroclites, chinois, indiens, ou plus lointains encore, le gigaku, par suite d'une coïncidence purement chronologique, avait été associé par les Japonais aux rites du bouddhisme, voire du shintō.

Le bugaku

Introduites au viiie siècle par des artistes chinois qui firent souche au Japon, les chorégraphies dites bugaku et leur musique d'accompagnement, le gagaku, sont au contraire l'aboutissement ultime d'un art raffiné pratiqué à la cour des Tang. Il s'agissait là d'une forme de[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
  • : agrégé de l'Université, docteur en études orientales, professeur à l'Institut franco-japonais de Tōkyō

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Médias

Scène de kabuki - crédits : Herve Bruhat/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Scène de kabuki

Masque de <it>gigaku</it> - crédits : Bequest of Grenville L. Winthrop,  Bridgeman Images

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Masque de <it>nō</it> - crédits :  Bridgeman Images

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