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MONK THELONIOUS (1917 env.-1982)

Thelonious Monk, E. Haas - crédits : Ernst Haas/ Getty Images

Thelonious Monk, E. Haas

Un colosse a traversé le jazz, indifférent au tumulte des modes, muré dans un mutisme quasi total. Seuls signes de vie active : d'extravagants couvre-chefs et une musique inouïe que le silence envahit peu à peu. L'inclassable Monk, aux étranges prénoms (Thelonious, Sphere), appartient à une espèce mystérieuse qui ne présente pas les caractéristiques habituelles de la famille du « jazzman vulgaris ». Maître du clavier mais si peu « pianiste », novateur de première grandeur mais sans ancêtres ni descendance, longtemps méconnu par les amateurs, perplexes devant une musique qui ne présente pas la moindre trace de complaisance ni de facilité, Monk est unique en son genre.

Un parcours solitaire

On ne connaît pas avec précision le lieu de naissance de Monk – Rocky Mount en Caroline du Nord ou New York –, ni la date – 1920 ou, plus probablement, 1917. De sa famille, de son enfance et de son adolescence, on ignore pratiquement tout. Il semble avoir mené des études assez désordonnées de piano et d'harmonie avec plusieurs professeurs privés. Mary Lou Williams affirme l'avoir entendu, avant le début des années 1940, accompagner un prédicateur en tournée.

Quand on commence à parler de Monk en 1941, au moment des premières séances du Minton's Playhouse où s'élabore le be-bop, il semble jaillir du néant, déjà porteur d'une musique totalement achevée qui ne connaîtra pas de périodes de tâtonnement. Les maîtres du lieu – l'ancien chef d'orchestre Teddy Hill, le trompettiste Dizzy Gillespie et le batteur Kenny Clarke –, impressionnés par les débuts publics d'une aussi forte personnalité, le retiennent comme pianiste attitré du club. Dès cette époque, le langage du compositeur (ses premières œuvres remontent à la fin des années 1930) et de l'instrumentiste est fermement tracé. Au Minton's, nombre d'amateurs plus ou moins doués tentent de se produire. Pour les décourager, nos trois musiciens prennent l'habitude de truffer leurs improvisations de difficultés rythmiques et harmoniques qui, très vite, s'organisent en style. C'est dans ces lieux que Monk est enregistré pour la première fois, en 1941, en compagnie du guitariste Charlie Christian et de Kenny Clarke. Il joue alors dans les nombreux clubs de jazz de Harlem avec les pionniers du bop. En 1942, il entre avec Dizzy Gillespie dans l'orchestre rhythm and bluesde Lucky Millinder. En 1944, Coleman Hawkins l'invite dans son ensemble, qui se produit à l'Onyx Club. C'est avec lui que Monk réalise cette année-là son premier disque. Désormais, il ne jouera plus dans de grandes formations.

En 1945, le bop sort de la clandestinité et étend rapidement son empire sur les musiciens et leur public. Mais ce n'est pas vers Monk – pourtant l'un de ses promoteurs essentiels, au même titre, si ce n'est plus, que Charlie Parker – que se braquent les projecteurs de la célébrité. À d'autres – au style plus aisé, à la musique plus accessible – la gloire d'occuper le devant de la scène. Toujours aussi réfractaire à la moindre concession, il rentre dans l'ombre et traverse une période de silence qui va durer plus de dix ans. Il ne tient pas à renouveler ses expériences orchestrales auxquelles son monde musical ne peut guère s'adapter. Il refuse de jouer le répertoire habituel des pianistes de son temps, son caractère excentrique et agressif ne faisant qu'envenimer les choses. Sa musique, elle, est trop sauvage, trop brutale, trop fondamentalement nouvelle pour séduire de prime abord.

Il refait surface en 1954, date à laquelle il enregistre quatre de ses thèmes avec Miles Davis. Le quartette qu'il forme avec John Coltrane (saxophone ténor), Wilbur Ware (contrebasse) et Shadow Wilson (batterie), est engagé en 1957 au Five Spot Café. En 1959, il réunit douze musiciens[...]

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Thelonious Monk, E. Haas - crédits : Ernst Haas/ Getty Images

Thelonious Monk, E. Haas

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