WOLFE TONE THEOBALD (1763-1798)
Occupant une place prééminente dans le panthéon des nationalistes irlandais, Theobald Wolfe Tone repose dans le petit cimetière de Bodenstown où des républicains de toutes nuances se pressent chaque année au mois de juin.
Fils d'un modeste fabricant de voitures Wolfe Tone naît à Dublin le 20 juin 1763. Il rêve de devenir soldat. Mais ses parents qui ont d'autres ambitions l'envoient à Trinity College entreprendre de mornes études de droit qui n'ont pas raison de sa fougue militaire.
En 1787, le jeune étudiant gagne Londres pour parachever ses études juridiques. Mais ses goûts le portent davantage vers la littérature, les femmes et les projets d'aventure. Il se met en tête de coloniser les îles Sandwich et de monter à partir de cette base des raids de « boucaniers » contre les navires espagnols. William Pitt ne daigne même pas répondre à sa missive. Il tente alors, avec le même insuccès, de s'engager comme soldat au service de la Compagnie des Indes.
En désespoir de cause, il rentre à Dublin en 1789 et s'inscrit au barreau. Pour tromper son ennui, il se lance à corps perdu dans la politique. D'abord attiré par les whigs du « parti patriote » qui réclament à grands cris l'indépendance du pays au profit exclusif de la caste coloniale, il rédige pour eux un pamphlet dans lequel il prône la séparation de l'Irlande et de l'Angleterre. Mais en fils du siècle des Lumières qui croit à l'égalité des hommes et aux vertus de l'instruction, il ne tarde pas à élargir son horizon. En août 1791 il publie un pamphlet en faveur des catholiques colonisés. Ses idées sont reçues avec chaleur par les protestants non conformistes d'Ulster, pour la plupart presbytériens, d'esprit radical et démocratique, qui rêvent de secouer le joug du Château de Dublin, des grands propriétaires fonciers et de l'Église établie.
À l'automne de 1791, Wolfe Tone participe à la fondation du Club des Irlandais unis qui se propose d'unir les Irlandais de toutes confessions dans une même lutte pour la libération de l'île. Peu après il devient secrétaire du Comité catholique de Dublin qui représente les intérêts de la bourgeoisie catholique urbaine. Les autorités s'inquiètent des progrès de ce jacobinisme qui est en passe de submerger l'Irlande. Le 13 juin 1795 Wolfe Tone est contraint de s'exiler. Après un crochet par les États-Unis, il débarque au Havre le 2 février 1796. Il gagne aussitôt la capitale et approche le ministre des Relations extérieures du Directoire, Charles Delacroix de Contaut, qui lui demande un mémorandum sur la situation en Irlande. Wolfe Tone s'y attelle fébrilement. Il montre le pays au bord de la révolution et l'intérêt qu'il y aurait pour la France à envoyer un corps expéditionnaire pouvant servir de catalyseur et de point de ralliement à l'émeute qui gronde. Le jeune Irlandais intéresse Carnot et le général Clarke à son projet. En juillet il est nommé chef de brigade de l'armée du Directoire. Le général Hoche, commandant des armées des côtes de l'Océan, est convoqué à Paris pour mettre sur pied avec lui un plan de débarquement en Irlande. Le Directoire donne son accord. Malgré l'hostilité de la marine, une armée expéditionnaire de treize mille quatre cents hommes embarqués sur quarante-cinq bâtiments sort de la rade de Brest le 15 décembre 1796. Mais elle est dispersée par la tempête en vue des côtes irlandaises.
Wolfe Tone, qui ne renonce pas, refait le siège du Directoire, soutenu par Hoche qui reçoit le commandement de l'armée de Sambre-et-Meuse. La responsabilité de monter une nouvelle expédition est transférée à la jeune République batave. Wolfe Tone gagne aussitôt la Hollande avec le grade d'adjudant général. Mais l'affaire piétine. Le coup d'État du 18 fructidor, la fuite de Carnot et la mort[...]
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Écrit par
- Pierre JOANNON : historien, docteur en droit, docteur honoris causa de la National University of Ireland et de l'université d'Ulster (Royaume-Uni)
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