REIK THEODOR (1888-1969)
Appartenant à la première génération des psychanalystes qui entouraient Freud, Theodor Reik se caractérisa au sein de ce groupe par le fait qu'il n'était pas médecin. Né en Bohême, il fit des études de littérature et de psychologie ; en particulier, il rédigea une thèse, en 1922 environ, sur La Tentation de saint Antoine de Gustave Flaubert. C'est sur le conseil de Freud lui-même qu'il renonça aux études de médecine ; il aborda la psychanalyse directement par une analyse didactique à Berlin avec Karl Abraham. Il s'établit ensuite à Vienne où il devint notamment secrétaire de la Société psychanalytique. En 1928, il retourne à Berlin, où il enseigne la théorie et la pratique de la psychanalyse ; lors des persécutions raciales nazies, comme beaucoup d'analystes juifs, il quitte son pays et se rend à La Haye, puis, en 1938, aux États-Unis, où il rencontre des difficultés, parce qu'il n'est pas médecin. Aussi fonde-t-il la National Psychological Association for Psychoanalysis, réservée aux analystes non-médecins. Il meurt à New York, ayant écrit jusqu'au bout : nombre de ses ouvrages consistent d'ailleurs en des réflexions remarquablement lucides et profondes sur le vieillissement, la mémoire, l'analyse. Il en est ainsi dans le Fragment d'une grande confession, qui commence par une note préliminaire intitulée « La Soixantaine », où Reik s'identifie à Goethe en train d'écrire le récit de son idylle avec Frédérique : « Je tends la main vers mon stylo. Je suis vieux, certes, mais pas encore trop vieux » (mai 1948). C'est encore le cas de The Haunting Melody (Variations psychanalytiques sur un thème de Mahler, 1973), ouvrage dans lequel Reik fait l'analyse de ses obsessions musicales au moment de la mort de son propre analyste, Karl Abraham. Ces deux livres sont significatifs de la démarche de l'auteur : travaillant sur l'autobiographie, il a su trouver un style parfaitement adapté à une autoanalyse très claire, très démonstrative qui, sur un cas particulier, le sien propre, donne des énoncés rigoureux. Ainsi, sur le sujet de la mélodie obsédante, il montre les liens associatifs complexes qui tissent ensemble l'événement musical, l'événement biographique (la mort d'Abraham) et les informations culturelles (la vie de Mahler, celle de Beethoven). Son premier livre, The Ritual, écrit pendant qu'il était à Vienne, est d'une autre facture : il s'agit d'études de psychologie historique, sur le rituel de la couvade, par exemple, ou sur les instruments de musique de la culture judaïque, notamment sur le shofar. Il fut un des rares psychanalystes qui, au contraire de Freud, indifférent à ce sujet, a su s'intéresser à la chose musicale, l'analyser et ouvrir en ce domaine une recherche aussi bien du point de vue de l'ethnologie psychanalytique que dans le registre difficile de l'autoanalyse rédigée.
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Écrit par
- Catherine CLÉMENT : ancienne élève de l'École normale supérieure, agrégée de l'Université
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