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DREISER THEODORE (1871-1945)

Parmi les écrivains qui voient naître le xxe siècle, la silhouette massive et originale de Dreiser se détache sur la scène littéraire américaine. Il est de ces hommes par qui le scandale arrive – scandale délibéré, élément du combat qu'il mène sans relâche contre le puritanisme et l'hypocrisie. Taxé d'immoralité, traqué par la censure, honni des ligues familiales et religieuses, Dreiser a pour préoccupation essentielle la peinture de l'homme « au naturel », pour ambition sa libération des contraintes qui l'étouffent. Le miroir qu'il tend à la société américaine renvoie l'image inquiétante de destins frustrés, d'instincts refoulés, d'aspiration déçues. « L'Amérique mérite-t-elle d'être sauvée ? » écrit-il en 1941, et ce titre provocateur (qu'il devra modifier) témoigne des rapports passionnels qu'il entretient avec cette Amérique dont il est à la fois le fruit et la mauvaise conscience.

L'expérience

Theodore Dreiser appartient par son père, d'origine allemande, à la deuxième génération d'immigrants. Né à Terre Haute (Indiana) en 1871, il est élevé dans « la misère, l'ignorance, et l'humiliation ». Ses études primaires se bornent à la fréquentation irrégulière d'écoles paroissiales catholiques dont il garde un souvenir teinté de « fanatisme et de superstition ». Une année à l'école secondaire, une autre, plus tard, à l'université de l'Indiana mettent un point final à son éducation officielle.

L'esprit pionnier

Son véritable apprentissage de la vie, Dreiser l'accomplit selon la tradition américaine. Cinquante ans plus tôt, il eût peut-être suivi la route des pionniers et des chercheurs d'or... En cette fin de siècle, il prend celle du self-made man. C'est en autodidacte qu'il découvre Huxley et Spencer, et commence à écrire. À seize ans, il est plongeur, puis garçon de courses, mais il ne tarde pas à se tourner vers le journalisme qui le conduit de Chicago à Saint Louis, puis enfin à New York. Marié en 1898, il publie en 1900 son premier roman, Sister Carrie, mais n'atteint véritablement la réussite sociale et financière qu'en 1907, lorsqu'il devient directeur littéraire d'un des magazines des éditions Butterick. À partir de 1911, il vit de sa plume et connaît une succession de périodes fastes et de vaches maigres. Aussi peu conformiste dans sa vie privée que dans son métier d'écrivain, sa liberté de pensée et d'action lui vaut quelques ennemis, mais il fréquente la plupart des écrivains et artistes de son temps et se lie d'une amitié orageuse avec le critique Mencken. L'esprit toujours en éveil, il visite plusieurs fois l'Europe, part pour l'Union soviétique (1927) d'où il rapporte un livre, Dreiser Looks at Russia (Impressions de Russie), se retrouve dans Barcelone bombardée (1938). Aux États-Unis, il se partage entre l'Est et l'Ouest, polémique avec F. D. Roosevelt et poursuit son activité politique en adhérant au Parti communiste (1945). Remarié en 1944 après vingt-cinq ans d'hésitations, il meurt un an plus tard à Los Angeles.

Les thèmes littéraires

L'œuvre de Dreiser est immense et s'étend sur un demi-siècle. Elle est tout entière issue d'une même source d'inspiration : la réalité qui l'entoure. Dès son premier roman, dont le succès fut longtemps compromis par une censure menaçante et un éditeur timoré, Dreiser rompt avec la bienséance du xixe siècle et aborde les sujets interdits. Avec Jennie Gerhardt (1911), avec les deux premiers volumes d'une trilogie inspirée par la vie du magnat des tramways, Charles B. Yerkes : The Financier (1912) et The Titan (1914), puis avec The Genius (1915), qui le conduit devant les tribunaux, Dreiser poursuit la dénonciation[...]

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Écrit par

  • : agrégée d'anglais, maître assistante à l'université de Paris-VII

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