DURET THÉODORE (1838-1927)
Grand bourgeois, le Français Théodore Duret était un républicain convaincu. Au cours d'un long voyage autour du monde (1871-1872), en compagnie d'Henri Cernuschi, il visita notamment l'Inde, le Japon, la Chine, et il acquit de nombreuses estampes et des livres illustrés japonais dont il fit don à la Bibliothèque nationale en 1899. Ses livres d'histoire contemporaine sont tombés dans l'oubli, mais sa contribution à la vie artistique de son temps et à la critique d'art demeure.
Collectionneur, ami de Courbet, exécuteur testamentaire de Manet, qui avait peint son portrait en 1868 (offert en 1908 au musée du Petit Palais à Paris), Duret fut l'un des premiers exégètes de l'impressionnisme, avant d'en devenir l'historien. Il consacra des ouvrages à Manet, Whistler, Courbet, Van Gogh, Lautrec, Renoir. Plusieurs de ses livres furent traduits en anglais ou en allemand, et son Histoire des peintres impressionnistes (1906), considérée comme un ouvrage de référence, a connu de nombreuses rééditions. En 1885, il réunit ses principaux articles de critique d'art sous un titre appelé à faire date : Critique d'avant-garde.
Sous le second Empire, Théodore Duret, fils d'un négociant de Cognac, fut à deux reprises candidat de l'opposition aux élections législatives. Il ne devint pas député, mais fut adjoint au maire du IXe arrondissement de Paris, après la défaite de Sedan. Contraint de fuir les exactions de la Commune, il abandonna définitivement l'action politique. Il publia néanmoins un article en faveur de la révision du procès de Dreyfus (1898) et ses convictions républicaines sont demeurées inébranlables.
Duret s'est intéressé très tôt à la peinture. Il rencontre en 1862 Corot et Courbet, hôtes de l'un de ses cousins en Saintonge, puis Manet, à Madrid en 1865. L'Exposition universelle de 1867 lui donne l'occasion de publier sa première contribution notable à la critique d'art : Les Peintres français en 1867. Dans son « Salon » de 1870, il précise qu'il délaissera en partie les artistes renommés pour se « consacrer aux débutants, à ceux qui sont encore contestés ou incompris ». Quelques années plus tard, il prend la défense des impressionnistes, des « nouveaux venus » promis à un bel avenir.
Duret publia en 1878 Les Peintres impressionnistes, la première étude d'envergure sur les traits saillants de cet art raillé par le public et par de nombreux critiques. Il y exprime l'une des observations qui fondent son militantisme critique : la peinture « est un des arts les moins facilement accessibles à la foule ». Le rôle du critique est donc d'expliquer les qualités qu'il discerne, afin d'aider les amateurs de bonne volonté à les percevoir à leur tour. Ainsi, lorsque l'art est de son temps, c'est-à-dire nouveau, la critique est d'avant-garde par rapport au public qui manifeste une « répulsion instinctive » devant toute innovation.
Le projet de Duret, voué à modifier la réception des œuvres par le plus grand nombre, était une entreprise de longue haleine. Inscrite dans le présent, son action visait à préparer l'avenir. À cette fin, Duret développa une stratégie d'ensemble. Il ne se contenta pas d'écrire. Il collectionnait, conseillait les amateurs, aidait les artistes, suivait et expliquait leur évolution. Il participa ainsi pleinement au succès des peintres qu'il appréciait. Celui-ci acquis, Duret abandonna la critique pour se consacrer à l'histoire de l'art et des artistes dont il avait contribué à faire reconnaître les talents.
Les textes de Duret, notamment ses critiques d'art, ne sont nullement de simples documents historiographiques. Écrits par un témoin de la première heure, ils expriment une sensibilité aux qualités de « la peinture en soi » dont l'intensité, liée[...]
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Écrit par
- Denys RIOUT : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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