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RIBOT THÉODULE (1839-1916)

Fondateur de la psychologie comme science autonome en France. Né à Guingamp, élève de l'École normale supérieure, agrégé de philosophie en 1865, Ribot contesta la philosophie spiritualiste éclectique de son époque en soutenant l'épiphénoménisme du médecin aliéniste anglais Henry Maudsley (1835-1918) et en publiant un ouvrage intitulé La Psychologie anglaise contemporaine (1870). Docteur ès lettres en 1873 avec une thèse sur L'Hérédité psychologique, il fonde la Revue philosophique en 1875 et, soutenu par Taine et Renan, est chargé d'un cours de psychologie expérimentale à la Sorbonne (1885), jusqu'à ce qu'une chaire soit créée pour lui au Collège de France en 1888, chaire qu'il occupera jusqu'à sa retraite en 1896.

Ribot resta un théoricien et un philosophe, tout en prônant une psychologie expérimentale que lui-même ne pratiqua guère (ce sera, en France, l'œuvre de Piéron) ; il pensait, en effet, que la nature offre avec la psychopathologie des expériences toutes faites dont le penseur doit profiter. C'est pourquoi il suivit de près les travaux des neurologues et des psychiatres de son temps et poussa ses meilleurs élèves (Pierre Janet, Georges Dumas) à étudier la médecine. Les déductions qu'il obtint ainsi furent d'un haut intérêt. Il transposa notamment les conceptions hiérarchiques neurophysiologiques de H. Jackson en une doctrine hiérarchique psychophysiologique de la personnalité, leçon que retiendront von Monakow et Mourgue, Claude, H. Ey et dans une certaine mesure Freud. C'est la maladie mentale qui, en dissolvant les fonctions normales, fait apparaître les hiérarchies sous-jacentes ; on appelle encore « loi de Ribot » le processus de la perte de mémoire, processus qui descend de l'instable au stable (Les Maladies de la mémoire, 1881). Dans sa Psychologie des sentiments (1896), Ribot affirme, indépendamment de Freud, la primauté de la vie affective et des tendances inconscientes ; dans Les Maladies de la volonté (1883), dans La Psychologie de l'attention (1889) et dans La Vie inconsciente et les mouvements (1914), il pousse, avec beaucoup de subtilité et une remarquable documentation, son épiphénoménisme jusqu'aux limites du matérialisme ou d'un déterminisme que ne désavoueraient pas les béhavioristes : l'attention est une réaction motrice déterminée par l'intérêt ; les tendances sont des mouvements en puissance ; la volonté n'est qu'un fait physiologique accompagné de conscience. Quant à la mémoire, « elle est par essence un fait biologique et par accident un fait psychologique », affirmation qui provoqua un livre capital de Bergson (Matière et mémoire, 1896).

Ribot avait cru ruiner le spiritualisme par un approfondissement de la psychologie ; en fait, il donna à la psychologie ses lettres de noblesse comme science de l'homme libérée de la philosophie, et cette dernière, avec Bergson et Maurice Pradines par exemple, saura nourrir sa réflexion des données de la psychologie scientifique.

On doit encore à Ribot : La Psychologie allemande contemporaine (1876), dont la préface est un véritable manifeste ; L'Évolution des idées générales (1897) ; Essai sur l'imagination créatrice (1900) ; Logique des sentiments (1905).

— Georges TORRIS

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