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GAUTIER THÉOPHILE (1811-1872)

<em>Portrait de Théophile Gautier</em>, A. de Châtillon - crédits : Heritage Art/ Heritage Images/ Getty Images

Portrait de Théophile Gautier, A. de Châtillon

Dans une conférence d'avril 1914, André Gide lança une de ces formules qui se substituent commodément à l'analyse critique : « Oui, Théophile Gautier occupe une place considérable ; c'est seulement dommage qu'il l'occupe mal. » Les lettres françaises ont imposé une sorte de quarantaine à ce maître contesté que les lettres étrangères, en revanche, apprécient, comme en témoignent Henry James, Ezra Pound, T. S. Eliot, Amy Lowel, les akhméistes russes... En France, si l'on excepte les anthologies scolaires et les éditions de récits de voyages et de romans – de préférence ceux que Dumas aurait pu écrire –, Gautier a connu la disgrâce d'être un poète proscrit sans être un poète maudit. Il n'en demeure pas moins un merveilleux professeur d'écriture.

Points de repère

Théophile Gautier est né à Tarbes, mort à Neuilly ; parmi ses lieux de séjour, Paris l'emporte quantitativement ; il a cependant beaucoup voyagé à travers l'Europe, en Orient, en Afrique. Il fut publié par Le Figaro, Le Parnasse contemporain de l'éditeur A. Lemerre, et fonda en 1836, avec Lassaily, Ariel, journal du monde élégant.

Il fréquenta quelques théâtres dont l'Opéra où il fit jouer des fantaisies, danser des ballets. On lui connaît quelques amours, un fils, des filles. Mais on ne le trouve vraiment que dans son œuvre, dans ses poèmes, et plus particulièrement dans ses « Salons », sa critique d'art et ses relations de voyages.

Les circonstances de la vie ne furent pas cependant étrangères à cette prose et à ces vers. Il n'est pas indifférent que le pays où est né Gautier, où il a vécu peu de temps, où il est retourné longtemps après, en 1859, soit un paysage fort et âpre, situé sur la route de l'Espagne. Le chaud génie du Midi respire là, plus plastique que musical, avec une pointe gasconne qui percera dans Le Capitaine Fracasse (1863).

Il n'est pas indifférent non plus que sa vocation initiale et sa première profession aient été la peinture. Ce sont des sensations de peintre qu'il conserva de ses voyages. Il pratiqua, sans s'y efforcer, par la seule pente de sa nature, cette « transposition d'art » dont d'autres firent un système d'esthètes. De là l'importance de ses « Salons » qui préparent les Maîtres d'autrefois. Mais Gautier en est resté à 1830, tout en se moquant de ses compagnons de bohème. Ce qui interdit de confondre le bohème et le bourgeois, c'est l'hypocrisie décente de celui-ci et le provocant « immoralisme » de celui-là. Distance apparemment infranchissable. La préface de Mademoiselle de Maupin (1835) affirme les droits de l'artiste à la vie débordante, à la volupté, à l'impudeur. « La correction de la forme est la vertu, ce qui est beau physiquement est bien, tout ce qui est laid est mal. »

Son époque se scandalise de la morale qu'elle pratique incessamment. L'immoralité ne lui déplaît pas, mais elle abhorre l'« immoralisme ». Elle s'enfonce dans la matière, mais elle adore qu'on lui parle du sentiment. À des imprudents comme Gautier, elle refuse tout : la fortune et l'Académie. Elle les réduit aux travaux forcés du journalisme. Il en gémit. Le gagne-pain de ce gagne-petit épuise en lui la veine du poète. Il se console par le seul opium efficace : l'écriture.

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines de Besançon

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<em>Portrait de Théophile Gautier</em>, A. de Châtillon - crédits : Heritage Art/ Heritage Images/ Getty Images

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