SCHULER THÉOPHILE (1821-1878)
Né à Strasbourg et fils de pasteur, Théophile Schuler est un artiste lié au mouvement dit du « romantisme alsacien », auquel se rattache également Gustave Brion, comme l'a bien montré, en 1979, l'exposition Théophile Schuler, un romantique alsacien 1821-1876, au château des Rohan à Strasbourg. Il se forma très jeune à la peinture avant de faire l'apprentissage de la gravure en taille-douce à Karlsruhe, chez son cousin E. Schuler. Puis, conformément à la trajectoire suivie par les jeunes artistes de son temps, il vient à Paris, afin de poursuivre sa formation de peintre, auprès d'autres Alsaciens, dans l'atelier de Drolling, de 1839 à 1843, et de graveur chez Henri Charles Muller et Jean Bein. Sans y être véritablement inscrit, il fréquenta l'atelier de Delaroche en 1843. Après avoir exposé à Strasbourg, en 1843, trois cartons de sujets religieux (notamment Le Sermon des huguenots pendant la persécution d'Écosse), il exposa en 1845 et 1846 des œuvres, qui attirèrent l'attention de Gautier et de Lamartine, à thèmes religieux ou alsaciens, ou littéraires : ainsi, Jocelyn, inspiré par un texte paru en 1836, et La Construction de la cathédrale de Strasbourg (1843), grand thème gothique inscrit par Goethe dans la mémoire du romantisme.
De retour à Strasbourg après la révolution de 1848, il ouvre un cours de dessin, fréquenté par les jeunes filles de la bourgeoisie locale, et poursuit simultanément une carrière d'illustrateur et de peintre. L'album Schlitteurs et bûcherons des Vosges paraît à Strasbourg en 1853. À partir de 1859, il collabore au Magasin pittoresque, l'un des principaux « journaux à images » de l'époque romantique, fondé par Édouard Charton en 1833, et commence à travailler pour l'éditeur Hetzel. Il figure dorénavant parmi les illustrateurs attitrés du grand éditeur républicain, avec lequel il a échangé une correspondance nourrie et passionnante, conservée à la Bibliothèque nationale de France. C'est à la demande de Hetzel qu'il illustre le cycle des romans populaires et alsaciens d'Erckmann-Chatrian (en particulier Histoire d'un pays, 1872, au frontispice patriotique), des romans ou des adaptations de P.-J. Stahl, nom de plume de l'éditeur (Histoire d'un âne et de deux jeunes filles, 1872, ou Les Patins d'argent, d'après Mary Dodge, 1874).
La guerre de 1870 est un déchirement pour cet Alsacien patriote : après le traité de Francfort (10 mai 1871), il s'exile en Suisse, où il se marie à l'âge de cinquante ans. Sa fille, Rose-Alsa, dont le nom rappelle celui de la province perdue, naît en 1872 ; elle inspirera nombre de saynètes illustrées publiées dans le Magasin d'éducation et de récréation — journal illustré fondé par Hetzel avec Jean Macé en 1864, et devenu la plaque tournante de la maison d'édition de cet éditeur « pour les mioches » — puis reprises, en albums joliment cartonnés pour les tout petits, dans la Bibliothèque de récréation (ainsi, Les Travaux d'Alsa, 1876). En 1872, Hetzel lui confie la tâche exaltante d'illustrer Les Châtiments de Victor Hugo. Ses dessins allient une puissance visionnaire proche de l'inspiration hugolienne à des motifs apparentés au génie caricatural de Daumier ; au détour d'une page se reconnaît un autoportrait de l'artiste sous les traits d'un exilé moribond, expirant dans sa mansarde au pied d'une image de la cathédrale de Strasbourg. Malade, Schuler regagne l'Alsace en 1877 et s'éteint à Strasbourg l'année suivante. Pour la postérité, il restera, dans la culture enfantine, l'illustrateur de Maroussia, d'après une légende de Marcowovzok (1878), sa dernière œuvre, dont les dessins préparatoires sont, parmi bien d'autres documents relatifs à l'artiste, conservés à la Société des[...]
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Écrit par
- Ségolène LE MEN : professeur des universités, membre de l'I.U.F., professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-ouest Nanterre-La Défense
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