THÉORÈME, film de Pier Paolo Pasolini
Pasolini (1922-1975) était accoutumé à déclencher le scandale, avec ses poésies ou ses romans, avec ses films, avec sa vie. Attaqué en justice pour offense à la religion (La Ricotta, 1963), il multiplie les précautions pour filmer son Évangile selon saint Matthieu (Il vangelo secondo Matteo, 1964), mais cette fois c'est la gauche laïque qui s'en prend à lui (en France, dans un article intitulé « Tonton Marx à Bethléem », Michel Cournot épingle le film projeté en avant première, à Paris, dans la cathédrale Notre-Dame). Venant après mai-68, Théorème (Teorema) choque moins : la société a un peu changé, et l'auteur est devenu plus respectable. C'est pourtant, avec Porcherie (Porcile, 1970), et avant le coup d'audace inimaginable de Salo ou les Cent Vingt journées de Sodome (Salo o le centoventi giornate di Sodoma, 1976), l'un de ses films les plus dérangeants : on y voit, littéralement, la bourgeoisie se déliter, abandonnant ses possessions (une usine est donnée aux ouvriers, utopiquement) et perdant ses mœurs. Signe des temps : ce fut son film le plus vu, et l'un de ceux que la critique traita avec le plus de considération.
Un ange moderne : quelle « bonne nouvelle » ?
Un prologue muet, en noir et blanc, alterne des images de désert avec une enquête de style télévisuel, sur un patron qui a remis son usine entre les mains des ouvriers. L'histoire commence ensuite : dans une famille de la haute bourgeoisie milanaise arrive un invité inattendu et inconnu, qui séduit l'un après l'autre les membres de la famille et leur servante, leur fait l'amour, puis repart. Chacun réagit à cette séduction de manière différente : la servante devient une faiseuse de miracles, le fils se découvre une vocation artistique, la fille tombe en catatonie, la mère se mue en nymphomane, le père enfin part pour le désert, littéralement, et abandonne ses biens, accomplissant la muette prophétie du prologue. Le film n'offre aucun commentaire à ces comportements.
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Écrit par
- Jacques AUMONT : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études, École des hautes études en sciences sociales
Classification
Autres références
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ÉROTISME
- Écrit par Frédérique DEVAUX , René MILHAU , Jean-Jacques PAUVERT , Mario PRAZ et Jean SÉMOLUÉ
- 19 774 mots
- 7 médias
C'est là peut-être ce que démontre son fameux Théorème (1968). L'essentiel, l'audacieux, ne réside pas dans ce qui serait ailleurs pornographie pure et simple (mais ce film, certes, n'est ni pur ni simple !) : fétichisme des sous-vêtements masculins et des braguettes, montrés en gros plans,...