ATOMIQUE THÉORIE
La théorie atomique, formulée par l'Anglais John Dalton (1766-1844) au tout début du xixe siècle, consiste en une série de conjectures qui s'avérèrent justes et pénétrantes. Mais il fallut parfois des décennies pour les étayer par des faits expérimentaux indiscutables.
Les conjectures de Dalton
La première conjecture, riche d'une longue tradition, remontant aux philosophes de l'Antiquité, tels qu'Épicure ou Lucrèce, pose la matière comme faite d'atomes.
La deuxième conjecture est l'indiscernabilité de ces corpuscules. Les atomes d'un même élément sont tous identiques, mais les éléments se distinguent les uns des autres par des atomes différents. Les atomes de fer, par exemple, diffèrent de ceux de cuivre.
La troisième conjecture, d'une grande hardiesse, et que Dalton formula à l'examen d'une grande masse de faits expérimentaux, issus de la chimie pneumatique en particulier, est que les éléments se combinent pour former des composés dans des proportions définies. Qui plus est, ces proportions sont les plus simples. Lorsque deux éléments A et B s'unissent en une combinaison, le composé qui en résulte peut être décrit par une formule telle que AB, ou AB2 ou A2B, plutôt que par des formules plus compliquées comme A4B4, A3B6 ou A10B5. Cet axiome de simplicité maximale n'était pas inédit dans l'histoire de la pensée. Les philosophes des sciences le dénomment « rasoir d'Ockham », du nom du théologien médiéval Guillaume d'Ockham (1290 env.-1349 env.).
La quatrième conjecture complète la précédente : deux éléments ne sont pas tenus de former des composés d'un type unique. Ils peuvent se combiner suivant des proportions multiples. Par exemple, un atome de carbone C peut s'unir à un atome d'oxygène O pour former le monoxyde de carbone CO. Mais on connaît aussi, remarqua Dalton, un autre composé des mêmes éléments dans lequel un atome de carbone C se combine avec deux atomes d'oxygène O pour former le gaz carbonique CO2.
Enfin, cinquième conjecture, qu'on peut qualifier de révolutionnaire par sa hardiesse (les philosophes des sciences qualifient un tel saut conceptuel de « transduction »), on peut inférer les masses des atomes – pourtant alors totalement inaccessibles à l'observation du fait de leur petitesse – à partir de mesures faites sur des échantillons microscopiques. Et Dalton de proposer une échelle des masses atomiques relatives : en prenant l'hydrogène H pour unité, l'azote et le carbone auraient, d'après Dalton, pour masse 5, l'oxygène aurait la masse 7, le phosphore 9, le soufre 13, le fer 38, et le plomb 95 (valeurs de 1808 ; les valeurs modernes des masses atomiques des mêmes éléments sont H = 1, C = 6, N = 7, O = 8, S = 32, P = 31, Fe = 56 et Pb = 207).
John Dalton était un quaker, ce qui lui offrit une éducation de qualité. Très jeune, il devint instituteur dans une école quaker. À partir de 1793 (il avait vingt-sept ans), il s'installa à Manchester, vivant de tutorats et d'une activité de consultant industriel. Il participa activement, dans cette ville, aux activités d'une académie des sciences, la Literary and Philosophical Society. Elle lui fournit un forum pour ses idées, dont par exemple sa description de sa propre infirmité oculaire, connue désormais sous le nom de daltonisme.
Dalton formula sa première théorie atomique en 1801. Il eut conscience de son importance, la comparant à la théorie de la gravitation universelle de Newton. En 1803, Dalton étendit sa théorie, restreinte jusque-là aux gaz atmosphériques, à la chimie tout entière. Mais il ne la publia qu'en 1808, hésitant à s'en remettre à la communauté scientifique de son temps, à l'instar de Darwin avec sa théorie de l'évolution. Nous sommes redevables à un autre scientifique de la[...]
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Écrit par
- Pierre LASZLO : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)
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