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THÉORIE DE L'AGIR COMMUNICATIONNEL, Jürgen Habermas Fiche de lecture

Pièce maîtresse de la production du représentant le plus célèbre de la seconde génération de l'école de Francfort, Théorie de l'agir communicationnel (Theorie des Kommunikativen Handels) parachève le projet d'actualisation de la théorie critique qu'il avait entrepris dès 1963 dans Théorie et pratique, au moyen d’une lecture révisée de la pensée marxiste . À rebours de la tendance historique à la dissolution de la praxis dans la technè et la science, cette révision se présente comme une critique tournée vers la fin pratique de libération des différentes formes de domination à l'œuvre dans la modernité, à laquelle l'existence d'un « intérêt émancipatoire » inhérent à la raison donne une nouvelle légitimité (Connaissance et intérêt, 1968). Cette réhabilitation prend ici appui sur la démonstration de la raison communicationnelle à partir de l'examen des opportunités que les théories sociologiques de l'action offrent à la relance méthodologique de la théorie critique.

Une théorie critique de la raison sociologique

Constitué de deux épais volumes, l'ouvrage s'ouvre sur le problème de l'articulation entre la théorie de la raison et l'analyse du présent, que ni la spéculation métaphysique ni la philosophie des sciences ne peuvent régler. Pour avoir inscrit le principe de la rationalité dans la constitution de son savoir, et réfléchi en son sein une compréhension de la modernité, la sociologie se présente comme l'unique voie à explorer du point de vue « des stratégies conceptuelles, des hypothèses et des arguments présentés de Weber à Parsons ».

Après avoir dégagé les quatre concepts d'action (téléologique, normatif, dramaturgique et communicationnel) sur lesquels s'appuie la rationalité en sciences sociales, et la conception des rapports que chacun établit entre l'individu et le monde, Habermas s'attache à évaluer l'apport de la pensée de Max Weber, considérée comme l'interprétation du présent la plus aboutie conceptuellement et empiriquement. La conception unilatérale de la rationalité que soutient Weber se lit dans le rôle excessif qu'il accorde à l'intellectualisation propre au capitalisme et dans la priorité qu'il donne à l'autonomisation du droit par la mise en place d'une réglementation légale au détriment de l'émergence progressive de normes d'action fondées sur l'accord intersubjectif. L'origine de cette forme de la rationalisation tient fondamentalement à la supériorité intellectuelle que Weber attribue à la rationalité dite instrumentale. De György Lukacs à Theodor Adorno, cette rationalisation sera comprise comme une réification de la conscience.

Habermas trouve chez George Herbert Mead l'alternative à ce réductionnisme et les prémices d'une autre rationalité qui s'édifie à partir d'une argumentation justifiant et rendant unanimement acceptables les décisions prises après discussion entre différents protagonistes. L'idée d'une construction de soi à travers la relation à autrui, d'une autonomisation du sujet par le jeu dialectique des processus d'intériorisation et des stratégies d'adaptation aux instances d'autorité, suppose l'existence d'un moment intersubjectif, d'une médiation verbale dans laquelle l'auteur retrouve les termes d'une authentique raison communicationnelle et ses fonctions à la fois socialisantes et individualisantes. De même, l'analyse durkheimienne du sacré, en rappelant opportunément que la création continuée du lien social procède d'interactions (ici rituelles), contribue également à ce changement de paradigme.

Par la suite, Habermas prétend appliquer au présent la problématique de la communication en recherchant des complémentarités entre[...]

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Écrit par

  • : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne

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Autres références

  • FRANCFORT ÉCOLE DE

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