DÉMONSTRATION THÉORIE DE LA
L'ordinal ε0 et la ω-logique
À plusieurs reprises dans les années trente, Gentzen allait donner des démonstrations de cohérence pour l' arithmétique de Peano AP. Pour obtenir de tels résultats, il était nécessaire, par le second théorème d'incomplétude, de se servir de méthodes extérieures à l'arithmétique. Gentzen utilisa comme méthode l' induction transfinie jusqu'à ε0, où ε0 est défini comme le suprémum des ordinaux ωn, avec ω0 = 1, ωn+1 = ωωn). Dans les années cinquante, Schütte allait donner une version plus accessible de ces mêmes résultats : essentiellement, l'arithmétique de Peano est obtenue à partir du calcul des prédicats en ajoutant le schéma d'axiomes d'induction :
où A est un énoncé arbitraire. Schütte introduit une logique, la ω-logique, où ce schéma est logiquement démontrable : les règles pour ∀ sont :On écrit des règles symétriques pour le quantificateur ∃. La principale nouveauté de ces règles, c'est leur caractère infinitaire : la règle (d∀ω) nécessite une infinité de prémisses. Dans ces conditions, est-il encore possible de parler d'aspect syntaxique ? oui ; car, bien qu'infinies, ces démonstrations (qui ne sont rien d'autre que des arbres dont les nœuds sont occupés par des séquents) peuvent être représentées par des fonctions récursives dans les bons cas, d'où un concept de ω-démonstration récursive. Par contre, l'ensemble des indices (ou codes) de ω-démonstrations récursives est de complexité logique Π11 .Le schéma d'induction devient démontrable dans la ω-logique ; c'est, en fait, un cas particulier du théorème suivant, dû à Orey :
Théorème d'ω-complétude. Γ ⊢ Δ est vrai dans tout ω-modèle (modèle dont le domaine est exactement N et où 0̄ et S sont interprétés de façon standard) si et seulement s'il y a une ω-démonstration récursive de Γ ⊢ Δ.
Dans la pratique, on se contentera de construire explicitement une démonstration d'un axiome d'induction à l'aide de (d∀ω). On a le Hauptsatz suivant, dû à Schütte :
Théorème. La ω-logique vérifie l'éliminition des coupures. La démonstration consiste, pour l'essentiel, à remplacer toute coupure :
par :Si l'on part d'une démonstration dans AP, alors, on obtient une démonstration avec coupures dans la ω-logique en utilisant la démonstration des axiomes d'induction, puis, par élimination des coupures, une démonstration sans coupures du même séquent en ω-logique. On peut calculer la hauteur d'une telle démonstration (c'est-à-dire l'ordinal qui mesure la hauteur de l'arbre de la démonstration) : elle est strictement inférieure à ε0. En particulier, le principe d'induction transfinie jusqu'à l'ordinal récursif ε0 nous permettra de démontrer que l'arithmétique est non contradictoire... Plus précisément et c'est un résultat dû à Mints, on peut démontrer le théorème d'élimination des coupures pour la ω-logique, de telle manière que l'on ait la borne effective ε0 pour toutes les démonstrations issues de l'arithmétique (mais rien ne dit que les arbres de démonstration ainsi obtenus sont bien fondés) et de telle manière que le tout se fasse élémentairement.Donc, par une induction jusqu'à ε0, on montre facilement qu'il ne saurait y avoir de démonstration du séquent ⊢. Ici encore, on peut poser la question « N'y a-t-il pas surcharge d'intentions ? » Après tout (Kreisel dixit), « les doutes quant à la cohérence sont infiniment plus douteux que la cohérence elle-même ». On rappellera le mot d'un mathématicien français : « Gentzen est le type qui a prouvé la cohérence de l'arithmétique, c'est-à-dire de l'induction jusqu'à ω, au moyen de l'induction jusqu'à ε[...]
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Écrit par
- Jean-Yves GIRARD : docteur ès sciences, maître de recherche au C.N.R.S.
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