- 1. De l'algèbre à la géométrie et de la géométrie au monde
- 2. Théorie des catastrophes, morphosophie, phénoménologie
- 3. Les solutions archétypales
- 4. Vers des modèles intrinsèquement transdisciplinaires
- 5. Les modèles de Zeeman
- 6. Vers une nouvelle caractéristique
- 7. Vers une philosophie comme science rigoureuse
- 8. Bibliographie
CATASTROPHES THÉORIE DES
Théorie des catastrophes, morphosophie, phénoménologie
La théorie des catastrophes réalise le passage de la géométrie qualitative à une modélisation de l'universum morphologique. Elle repose d'une part sur un corpus mathématique d'une grande complexité et d'autre part sur un style d'observation et d'expérimentation assez singulier, résolument non réductionniste et non quantitatif (du moins au départ). Ce n'est pas d'ailleurs que ce style soit sans précédent. Il se maintient avec insistance dans l'histoire de la pensée mais il a toujours été marginalisé par le pouvoir de la science officielle. Pour s'en faire une idée on pourra, par exemple, se référer à l'une des œuvres qui a le plus compté pour René Thom : On Growth and Form de D'Arcy Wentworth Thompson.
Mathématiquement, la théorie des catastrophes a pour origine les travaux de Marston Morse et de Hassler Whitney sur les fonctions et les applications différentiables. Cette théorie se propose de géométriser la situation suivante.
Donnons-nous un système susceptible d'un certain nombre d'états internes et dépendant d'un certain nombre de paramètres de contrôle. Il existera en général des zones du contrôle pour lesquelles il y aura compétition, conflit entre plusieurs états et des valeurs du contrôle, dites valeurs catastrophiques, pour lesquelles un état devenu instable bifurque brusquement vers un autre. Si l'on modélise les états du système soit par les minimums d'une fonction potentielle (fonction énergie ou potentiel thermodynamique) soit par les attracteurs d'une dynamique (d'un champ de vecteur défini sur un espace de paramètres internes), ce problème devient un problème mathématique susceptible d'être exploré rigoureusement.
Admettons alors ce truisme qu'un système ne peut exister que s'il est structurellement stable (résistant aux perturbations infinitésimales). La grande découverte de Thom est que la stabilité structurelle est une contrainte très forte, si forte qu'elle impose une limite draconienne à la complexité morphologique locale des situations de conflit et de bifurcation. En particulier, il est possible de classer les situations stables (locales) de conflit entre minimums de fonctions potentielles dépendant d'un contrôle de dimension inférieure ou égale à quatre. On obtient ainsi la liste des sept catastrophes dites élémentaires. Il s'agit là d'un « point d'Archimède » : quelles que soient leurs causes matérielles, les phénomènes doivent se conformer aux « solutions archétypales » de la contrainte de stabilité structurelle. La théorie des catastrophes est donc une théorie ardue et exigeante, parfois ésotérique, dont les implications profondes sont à la mesure des difficultés mathématiques qui la sous-tendent.
Esquissons-en quelques rudiments.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean PETITOT : ancien élève de l'Ecole polytechnique, docteur es lettres et sciences humaines, vice président de l'International Association for Semiotic Studies, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales.
Classification
Médias
Autres références
-
STABILITÉ STRUCTURELLE ET MORPHOGENÈSE (R. Thom)
- Écrit par Bernard PIRE
- 364 mots
- 1 média
En 1972, le mathématicien René Thom (1923-2002, médaille Fields 1958) publie Stabilité structurelle et morphogénèse, sous-titré « Essai d'une théorie générale des modèles ». Cet ouvrage s'adresse « aux spécialistes de disciplines jusqu'à présent rebelles à toute mathématisation, comme la biologie...
-
FORME
- Écrit par Jean PETITOT
- 27 344 mots
...continûment. Par définition, les w réguliers engendrent un ouvert U de W. Si w ∈ U, le substrat est qualitativement homogène localement en w. Les points non réguliers w ∉ U sont dits singuliers ou « catastrophiques ». Ils engendrent le fermé K de W complémentaire de U dans W. Si ... -
MATHÉMATIQUE ÉPISTÉMOLOGIE DE LA
- Écrit par Jean-Michel SALANSKIS
- 2 878 mots
...dérivé une vision « ontologique » faisant écho à l'héraclitéisme antique, à l'idée que « tout coule » et que « le conflit est le père de toutes choses ». Sa vision de ce qu'il appela théorie des catastrophes unifiait tous les faits d'organisation observables dans la nature, aussi bien du côté de la... -
OBJET
- Écrit par Gilles Gaston GRANGER
- 8 211 mots
...quantités. La représentation des différences de qualités sensibles peut fort bien être représentée par des propriétés non métriques d'objets abstraits. Les modèles dits « catastrophiques », à la René Thom, par exemple, peuvent représenter des changements proprement qualitatifs du perçu-rupture, passage brusque... -
SCIENCES ET PHILOSOPHIE
- Écrit par Alain BOUTOT
- 17 713 mots
- 6 médias
...de la construction d'une structure abstraite locale « au-dessus » d'une phénoménologie. C'est cette voie qu'empruntent les théories morphologiques. La théorie des catastrophes rend compte d'une morphologie empirique, par nature globale, par l'intermédiaire d'un logos, qui est une structure...