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CATASTROPHES THÉORIE DES

Vers une philosophie comme science rigoureuse

La théorie des catastrophes déploie donc un certain nombre d'idées-forces que l'on pourrait résumer ainsi :

– reconnaissance de l'universalité du principe de stabilité structurelle (au même titre que celui de causalité),

– nécessité de discontinuités pour assurer la stabilité,

– dégagement d'un pouvoir effecteur de la discontinuité en tant que telle et donc de ce que l'on pourrait appeler une causalité proprement structurale,

– possibilité de géométriser l'analogie et de la doter ainsi d'un statut scientifique.

Ces idées-forces réactivent diverses généalogies métaphysiques et ont une « couleur » philosophique assez facilement repérable :

– la théorie des catastrophes est une théorie dialectique ;

– la théorie des catastrophes est une théorie phénoménologique ;

– la théorie des catastrophes est une théorie platonicienne.

On ne peut donc apparemment que lui imputer soit son idéalisme, soit l'impossibilité où elle se trouve d'être falsifiée, soit les deux. Mais, en fait, elle ne cherche pas à valider une représentation du monde. Elle vise à déployer rigoureusement les conséquences d'une nouvelle articulation entre les mathématiques et le réel.

Le monde scientifique ne s'y est d'ailleurs pas trompé. Quelles que soient ses réserves, il l'a accueillie comme une nouvelle modalité de la pensée, ce qui fait que, à travers son activité intense d'interviews, de conférences, de séminaires et de voyages, Thom fut le centre d'un réseau de discours hétérogènes (de la tectonique des plaques à la dynamique des révolutions, de l'embryogenèse aux structures symboliques) que l'interdiscipline n'a jamais réussi à réaliser.

Et c'est peut-être précisément là l'intérêt sociologique majeur de la théorie des catastrophes ; de décloisonner les disciplines, de délocaliser la pensée, de reprendre des interrogations depuis longtemps désertées, de réarticuler des épaves de l'ontologie, divisée, brisée, morcelée par le développement techno-industriel.

— Jean PETITOT

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Écrit par

  • : ancien élève de l'Ecole polytechnique, docteur es lettres et sciences humaines, vice président de l'International Association for Semiotic Studies, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales.

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