ÉQUILIBRES PONCTUÉS THÉORIE DES
La théorie des équilibres ponctués a été énoncée par deux biologistes et paléontologues américains, Niles Eldredge (né en 1943) et Stephen Jay Gould (1941-2002), dans un article publié en 1972 et intitulé « Punctuated equilibria: an alternative to phyletic gradualism » (Les équilibres ponctués : une alternative au gradualisme phylétique). Ce texte constitue le cinquième chapitre de l’ouvrage collectif Models in Paleobiology. La théorie des équilibres ponctués concerne les modalités de la spéciation, qui est la formation de nouvelles espèces par scission au sein d’une espèce ancestrale.
La spéciation est un concept central de la théorie développée par Charles Darwin (1808-1882) dans son ouvrage L’Origine des espèces (1859), et de ses développements ultérieurs, notamment la théorie synthétique de l’évolution. Elle est à la base du caractère buissonnant de l’évolution. Selon la conception communément admise, la spéciation est un processus lent et progressif d’accumulation de changements phénotypiques au fil des générations au sein d’une population ancestrale. C’est ce qu’on appelle le gradualisme phylétique. Les spéciations passées devraient donc laisser des séries fossiles ininterrompues reliant deux espèces, témoins de leur divergence graduelle et progressive au cours du temps. Or, dans les archives fossiles, les espèces apparaissent, d’une part, séparées par des lacunes et, d’autre part, relativement stables au cours du temps. Le gradualisme phylétique explique cette divergence entre les données paléontologiques réelles et celles attendues par le fait que les fossiles sont des données fragmentaires de la réalité biologique passée. Eldredge et Gould soutiennent que ce concept de gradualisme phylétique empêche d’interpréter correctement les données fossiles. En considérant la spéciation comme un processus rapide suivi d’une stabilité évolutive (stase évolutive), la théorie des équilibres ponctués propose une interprétation nouvelle des faits paléontologiques.
Selon cette théorie, l’absence de formes intermédiaires fossiles est la conséquence des processus de la spéciation géographique – encore appelée spéciation allopatrique – proposée quelques années plus tôt par le biologiste Ernst Mayr (1904-2005) : une espèce est une population d’individus interféconds, et le flux génique qui résulte de cette interfécondité s’oppose à une divergence au sein de cette population ; la spéciation se produit lorsqu’une partie de la population initiale se trouve géographiquement séparée et, donc, reproductivement isolée. D’autre part, les travaux du généticien Sewall Wright (1889-1988) avaient montré que l’évolution était plus rapide dans des petites populations, chez lesquelles la dérive génétique induit des changements rapides et importants des fréquences de gènes. Reprenant ces concepts, Eldredge et Gould soutiennent que le développement d’espèces nouvelles se produit rapidement dans de petites populations géographiquement isolées à la périphérie de la population principale (isolats périphériques).
Une fois constituées, les espèces restent relativement stables au cours du temps. Cette stase évolutive s’explique par une combinaison de facteurs génétiques et sélectifs qui limitent les divergences au sein des larges populations. La petite taille des populations fondatrices, la rapidité de la spéciation et la localisation différente de l’espèce ancestrale expliquent l’absence de formes fossiles intermédiaires entre deux espèces ; l’inertie évolutive des grandes populations explique la stabilité observée des formes fossiles, qui est une donnée paléontologique et non une illusion créée par l’imperfection des archives fossiles. En reliant les concepts de la biologie des populations avec les données paléontologiques, la théorie des équilibres ponctués propose donc une dynamique[...]
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Écrit par
- Étienne ROUX : maître de conférences à l'université de Bordeaux
Classification
Média
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GOULD STEPHEN JAY (1941-2002)
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...particulièrement au niveau du gène. Gould rédige en 1972, en collaboration avec Niles Eldredge, un article qui fait date et qui pose les bases de la théorie des « équilibres ponctués ». Ce texte ne propose rien moins qu'une révision des concepts du darwinisme et une approche renouvelée...