THÉORIE DES ESPACES TOPOLOGIQUES ET MÉTRIQUES
Le mathématicien allemand Felix Hausdorff a longtemps hésité entre les carrières musicale, littéraire et scientifique ; sa pièce de théâtre satirique écrite en 1904 a même rencontré un certain succès puisqu'elle sera jouée plusieurs centaines de fois jusqu'en 1930. À partir de 1902, il est à la fois enseignant dans une école de commerce et à l'université de Leipzig, où il avait soutenu sa thèse onze ans plus tôt, pour y poursuivre des recherches en théorie des ensembles et en topologie. Après avoir accepté un poste à l'université de Bonn en 1910, puis avoir été nommé, en 1913, professeur ordinaire à celle de Greifwals en Poméranie (au nord-est de l'Allemagne), il publie en 1914 un ouvrage qui deviendra après la Première Guerre mondiale un classique de la littérature mathématique. Après avoir réussi à caractériser les espaces munis d'une structure topologique grâce à l'utilisation du concept de voisinage d'un élément, Hausdorff commence en 1912 la rédaction de son traité. Ses Grundzüge der Mengenlehre (Éléments de la théorie des ensembles) sont divisés en trois parties : la première décrit la théorie générale des ensembles et des structures ordonnées ; la deuxième expose les propriétés fondamentales des espaces topologiques (maintenant appelés espaces de Hausdorff) et étudie leurs propriétés de connexité ; la troisième présente la théorie de la mesure et de l'intégration issue des travaux d'Émile Borel et d'Henri Lebesgue, et associe la notion topologique de « voisinage » à la description des ensembles ordonnés ou partiellement ordonnés. Hausdorff ajoute en appendice une décomposition paradoxale de la sphère à deux dimensions. Cet ouvrage a une grande importance dès la fin de la Première Guerre mondiale, en particulier pour le développement de l'école polonaise et du groupe de mathématiciens de Moscou rassemblés autour de Nikolai Luzin, avec lesquels Hausdorff développe une fructueuse et amicale collaboration scientifique. En application des lois antijuives, Hausdorff est chassé de l'enseignement par les nazis en 1935. Lorsque son internement dans un camp de transit lui est annoncé, il comprend que cela signifie son envoi dans un camp d'extermination et se suicide aux barbituriques avec sa femme et sa belle-sœur, le 25 janvier 1942.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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