JEUX THÉORIE DES
La théorie des jeux coopératifs
Dès que le jeu compte plus de deux joueurs, ceux-ci peuvent envisager de former des coalitions, en coopérant, d'une certaine façon (chacun ayant toujours pour objectif, néanmoins, de maximiser son gain personnel). La théorie des jeux coopératifs s'intéresse à ce type de situation ; plus précisément, elle prend pour point de départ les individus et toutes les coalitions qu'ils peuvent éventuellement former – sans préciser comment ils le font et comment leurs gains sont partagés entre leurs membres. Les concepts de solution proposés ont alors essentiellement pour but de désigner dans l'ensemble de ces coalitions celles qui peuvent perdurer – leurs membres n'étant pas incités à les quitter ; les théoriciens des jeux disent d'elles qu'elles sont « stables ». Les conditions qu'ils leur imposent ne doivent être ni trop fortes (au point qu'il n'y ait pas de solution), ni trop faibles (trop de solutions).
Von Neumann et Morgenstern ont été à l'origine de la théorie des jeux coopératifs. Ils voulaient l'utiliser pour rendre compte de certaines formes d'organisation sociale existantes (le fait qu'elles perdurent étant une preuve de leur « stabilité »). On peut néanmoins remarquer que l'approche par les jeux coopératifs est particulièrement lourde sur le plan formel, en raison notamment du nombre de coalitions possibles (2n— 1 dans un jeu à n personnes – soit, par exemple, 1 023 coalitions pour n = 10).
La fonction caractéristique
Les jeux sous forme coopérative sont généralement décrits par une « fonction caractéristique », qui associe un nombre (ou un vecteur de nombres) à chaque coalition (par exemple, le gain « maximin » que peut s'assurer cette coalition lorsqu'elle est opposée au reste de la société, supposé lui-même regroupé dans une coalition). La principale propriété de cette fonction est d'être superadditive, ce qui signifie que les gains obtenus en formant une coalition, quelle qu'elle soit, sont supérieurs à ceux qui sont obtenus « séparément », hors coalition (il y a donc intérêt à former des coalitions).
À titre d'exemple, considérons le jeu très simple dans lequel trois personnes – disons A, B et C – doivent partager un « gâteau », ou un magot, dont on suppose que la valeur est égale à 1. On est donc en présence d'un jeu à trois joueurs, de somme constante, chacun cherchant à obtenir la part la plus importante possible du gâteau. Si ce jeu est décrit par la fonction caractéristique v (.) telle que :
v({A}) = v({B}) = v({C}) = 0
v({A, B}) = v({A, C}) = v({B, C}) = 1
v({A, B, C}) = 1
cela signifie qu'un individu seul n'obtient rien (première ligne), que si deux individus forment une coalition, ils raflent tout (deuxième ligne) – et ne laissent donc rien à l'individu restant –, et que, trivialement, s'ils forment tous une coalition, l'ensemble du gâteau leur revient (troisième ligne).
Cette description du jeu ne dit évidemment pas comment le partage se fait au sein des coalitions – ni comment celles-ci se forment.
La fonction caractéristique est bien ici superadditive, puisqu'on a, par exemple :
v({A, B}) > v({A}) + v({B})
(il en est de même avec A et C, et B et C).
La fonction caractéristique est généralement utilisée pour décrire un jeu sous forme coopérative ; c'est aussi à partir d'elle que la plupart des concepts de solution, pour ce type de jeu, sont définis.
Imputations et ensembles stables de von Neumann et Morgenstern
Un premier concept de solution est celui d'« imputation », qui désigne des issues optimales au sens de Pareto (il n'existe pas d'autre issue telle que quelqu'un ait un gain plus élevé sans que d'autres aient un gain moindre) et telles que chaque membre d'une coalition, quelle qu'elle soit, y obtient[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard GUERRIEN : maître de conférences à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
-
THEORY OF GAMES AND ECONOMIC BEHAVIOR, John von Neumann et Oskar Morgenstern - Fiche de lecture
- Écrit par Philippe MAMAS
- 1 045 mots
En 1944, deux émigrés européens installés aux États-Unis, John von Neumann (1903-1957), mathématicien de génie d’origine hongroise, qui deviendra plus tard l’un des inventeurs de l’ordinateur, et Oskar Morgenstern (1902-1977), économiste d’origine autrichienne, publient un impressionnant...
-
ACTION COLLECTIVE
- Écrit par Éric LETONTURIER
- 1 466 mots
Parallèlement, les modélisations qu'offrela théorie mathématique des jeux ont fait l'objet d'applications empiriques (Thomas C. Schelling, Stratégie du conflit, 1960 ; Theodore Caplow, Deux contre un, 1968) qui ont servi à l'analyse des phénomènes d'alliance, de coopération, de coalition... -
ACTION RATIONNELLE
- Écrit par Michel LALLEMENT
- 2 646 mots
- 1 média
En prenant au sérieux le biais cognitif qui ampute nécessairement toute action à visée rationnelle, les sociologues croisent le chemin des théoriciens des jeux. Ces derniers proposent des modélisations de microdécisions fondées sur la prise en considération des interactions avec autrui. Comment retrouver... -
ANTICIPATIONS, économie
- Écrit par Christian de BOISSIEU
- 6 072 mots
- 4 médias
Se déroule alors un jeu (au sens de la théorie des jeux) potentiellement désastreux. La banque centrale assouplit la politique monétaire pour créer une surprise d'inflation, relancer l'activité et se rapprocher le plus possible de la croissance potentielle. Mais les agents privés se rendent compte qu'ils... -
AUMANN ROBERT YIRAËL (1930- )
- Écrit par Françoise PICHON-MAMÈRE
- 1 224 mots
Économiste et mathématicien de nationalité américaine et israëlienne, Prix Nobel d'économie en 2005, conjointement à l'Américain Thomas Schelling, pour avoir « amélioré [notre] compréhension des conflits et de la coopération au moyen de la théorie des jeux ».
Robert John...
- Afficher les 40 références