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MODÈLES THÉORIE DES

Classification des modèles et complexité d'une théorie

Théories catégoriques

C'est un vieux rêve de l'axiomatique que de caractériser intégralement une structure mathématique par un ensemble, aussi simple que possible, de conditions formelles. Dans le cadre de la théorie des modèles, cet idéal s'exprime très précisément ainsi : Soit L un langage (égalitaire), T une théorie de L ; T est catégorique s'il n'existe, à l'isomorphisme près, qu'un seul modèle de T. Or on sait que le théorème de Löwenheim-Skolem a pour conséquence immédiate qu'une théorie ayant un modèle infini ne saurait être catégorique. Donc, si l'on s'intéresse aux théories de structures infinies, le seul espoir raisonnable est d'obtenir de T qu'elle soit κ-catégorique, pour un ou pour tout cardinal infini κ, c'est-à-dire qu'elle n'ait, à l'isomorphisme près, qu'un seul modèle de cardinalité κ.

Et, en effet, il existe de nombreux exemples de théories κ-catégoriques, pour une valeur, ou de multiples valeurs de κ. La théorie de l'égalité pure (dont les seuls axiomes sont ceux de l'égalité) est κ-catégorique pour tout κ ; il en est de même de la théorie des groupes infinis dont tout élément est d'ordre 2 (car ils peuvent être considérés comme des espaces vectoriels de dimension infinie sur Z/2Z), ou encore de la théorie du groupe (Z/4Z)ω. La théorie d'un ordre dense sans extrêmes est κ-catégorique pour κ = ℵ0 seulement (résultat dû à Cantor). La théorie des corps algébriquement clos de caractéristique p (où p est premier ou nul) est κ-catégorique pour tout κ non dénombrable, ainsi que la théorie des groupes abéliens divisibles et sans torsion.

De ces exemples Łoś dégage en 1954 la conjecture suivante :

Soit T une théorie dans un langage dénombrable. Si T est κ-catégorique pour un cardinal κ non dénombrable, T est κ-catégorique pour tout cardinal κ non dénombrable.

Cette conjecture est démontrée en 1962 par Morley. Les travaux de Morley n'ont pas seulement conduit à ce résultat magnifique ; ils ont aussi apporté à la théorie des modèles un ensemble de concepts et de méthodes auxquels elle doit, dans une grande mesure, sa présente fécondité. C'est pourquoi, sans prétendre fournir ici de démonstration, on s'attachera à présenter quelques-unes de ses idées-forces.

Les grands axes de la démonstration de Morley

Étude des espaces S1(X)

Nous proposons désormais que T est une théorie dans un langage dénombrable L, que T n'a pas de modèle fini, qu'elle est complète et permet l'élimination des quantificateurs dans L. Nous désignons par b une L-structure, par X un sous-ensemble de A.

Si Bn(X) désigne le quotient de l'ensemble des formules de L(X) à n variables libres par la T(X)-équivalence (où T(X) est la théorie de (A, X), indépendante de a), alors l'ensemble Sn(X) des n-types au-dessus de X est le stonien (c'est-à-dire l'ensemble des ultrafiltres) de Bn(X) : c'est un espace topologique compact et totalement discontinu dont une base d'ouverts-fermés est constituée par les Uϕ = {p ; ϕ ∈ p}, avec ϕ ∈ Bn(X). Les types principaux sont les points isolés de Sn(X).

Deux idées profondément originales, dues à Morley, orientent cette étude : l'une se fonde sur la cardinalité, l'autre sur l'opération de dérivation de Cantor-Bendixson.

La première part de la définition suivante : Soit λ un cardinal infini : T est λ-stable si, pour toute partie X d'un modèle de T,

Morley établit les implications suivantes :

La seconde idée consiste à classer les éléments de S1(X) selon leur degré d'« isolement » relatif. Un élément isolé p de S1(X) a pour rang de Cantor-Bendixson CB(p) = 0 ; un élément isolé p de l'espace S[...]

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-IV-Sorbonne, ancien directeur du département d'études cognitives, École normale supérieure
  • : maître de recherche au CNRS
  • : docteur ès sciences, professeur de mathématiques à l'université de Paris-VII

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