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RÉSEAUX THÉORIE DES

Désignant un ensemble d'éléments interconnectés, la notion de réseau a un caractère polysémique dans le langage courant. D'un côté, elle possède souvent une connotation positive lorsqu'elle est employée à propos d'une forme organisationnelle ou de voies de communication. Le réseau renvoie ainsi, dans le domaine du management, à des modes d'organisation souples et décentralisés, pensés comme plus efficaces que des structures hiérarchiques traditionnelles. D'un autre côté, les réseaux sont fréquemment associés au secret, aux activités clandestines et aux luttes d'influence quand il en est question dans les univers économique, médiatique, politique ou administratif. Dans ce dernier univers, la référence au réseau est d'autant plus péjorative que celui-ci se démarque du mode légitime d'organisation, analysé par le sociologue allemand Max Weber : la bureaucratie. En effet, le réseau présente les avantages et les inconvénients d'une organisation non bureaucratique : il n'a pas de fonction clairement définie, n'agit pas selon des règles écrites et impersonnelles et ne poursuit que des objectifs de court terme.

La notion de réseau s'est imposée récemment en sciences sociales. Dans son acception dominante, elle vise à caractériser soit un système de relations inter-individuelles ou inter-organisationnelles (un réseau complet), soit les relations propres à un individu (un réseau personnel). Ces relations peuvent être symétriques ou non. Elles sont définies par l'existence de contacts (interconnaissance, participation conjointe à un événement), la forme prise par des interactions (collaboration, contrôle, etc.) ou la nature du bien matériel ou symbolique échangé (amitié, commerce, etc.). Le réseau est considéré comme un cadre dans lequel s'insère l'action d'un individu et qui est de nature à la contraindre ou au contraire à la faciliter. Quelle que soit la perspective adoptée, il s'agit de porter l'attention plus sur les propriétés relationnelles des individus que sur un attribut attaché a priori à leur personne ou aux groupes dont ils sont issus. La démarche des analystes de réseaux se veut « méso-sociologique » : ni individualiste ni structuraliste stricto sensu, mais une combinaison des niveaux d'analyse individuel, relationnel et structural.

Une approche relationnelle

À l'exception des recherches menées dans le domaine de la sociologie des sciences (« Théorie de l'acteur réseau » de Michel Callon et Bruno Latour, in La science telle qu'elle se fait, 1991), la sociologie des réseaux (social networks) s'est essentiellement affirmée dans le monde anglo-saxon. Trois ensembles de travaux sont à l'origine de son essor : la sociométrie apparue dans les années 1930 sous l'impulsion du psychologue Jacob Moreno ; les études sur les organisations industrielles et les communautés locales menées à la même époque par Elton Mayo et William Lloyd Warner à Harvard ; l'anthropologie de l'école de Manchester, représentée dans les années 1950 par John Barnes, Clyde Mitchell et Elizabeth Bott, qui combinent sociométrie et sociologie. Chacune de ces traditions a apporté à l'analyse des réseaux des méthodes et des concepts. Jacob Moreno a ainsi représenté par des « sociogrammes » les relations existant au sein des groupes étudiés : un individu est un point, une relation, un arc, orienté ou non. Elton Mayo, William Lloyd Warner et leurs successeurs (George Homans notamment) insistent sur la cohésion des groupes et sur le rôle intégrateur joué par des sous-groupes cohésifs appelés « cliques ».

Quant aux anthropologues et psychologues de Manchester, ils ont contribué à enrichir l'analyse des réseaux d'un point de vue conceptuel. John Barnes, introducteur de la notion de réseau en sciences[...]

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