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CAMÉRALISME THÉORIE DU

Doctrine économique, politique, administrative et philosophique particulière à l'Europe continentale du xvie au xixe siècle ; caractéristique de l'« État du bien public » (Wohlfahrtsstaat). On peut diviser son évolution historique en trois étapes.

Au xvie siècle s'élabore une doctrine consécutive à la Réforme luthérienne et à l'effondrement de l'économie médiévale. La sécularisation des biens ecclésiastiques, la conception spécifiquement luthérienne de l'économie, plus « populaire » que celle du calvinisme, et une économie non axée sur le grand commerce maritime en sont les éléments moteurs. Le caméralisme se développe dans les États territoriaux luthériens, en particulier en Saxe, qui est l'État le plus riche et le mieux organisé des Allemagnes du xvie siècle. L'Électeur Auguste de Saxe (1526-1586) y applique les thèses de Melchior Osse (1506-1557), dont le Testament politique est la première mise en forme de la théorie caméraliste. Il en résulte l'épanouissement de Leipzig et de Dresde, une codification modèle (1572), l'organisation exemplaire de l'enseignement (1580). D'autres États, dont Hessen-Kassel et le Wurtemberg, s'engagent dans la même voie.

Après la guerre de Trente Ans, l'ouvrage très répandu du Saxon Ludwig von Seckendorff (1626-1692), Der deutsche Fürstenstaat (1655, L'État des princes allemands), résume la doctrine et la pratique constitutionnelle et économique des États territoriaux luthériens. De nombreuses publications de fonctionnaires, de pasteurs et de savants en approfondissent les problèmes particuliers, et une science caméraliste se constitue.

Au xviiie siècle, le rationalisme dogmatique de l'Aufklärung systématise la doctrine, en fait une discipline universitaire qui s'introduit alors dans les territoires catholiques. À mesure que le droit naturel colonise la philosophie morale catholique, la Bavière et l'Autriche s'imprègnent à leur tour des théories caméralistes. Johann Heinrich Gottlob von Justi (1720-1771) intègre les sciences financières, administratives et économiques au système philosophique de l'eudémonisme wolffien. Favorisé par les « Grands de Vienne » (Van Swieten, Kaunitz, Sonnenfels), l'enseignement de Justi inspire les réformes de Joseph II.

Vers le milieu du xviiie siècle, le caméralisme est matière d'enseignement privilégiée dans toutes les universités de langue allemande, en particulier à Göttingen, à Leipzig, à Halle, à Wittenberg, à Iéna, à Ingolstadt, à Heidelberg et à Vienne. Il détermine l'orientation générale des facultés de droit qui s'intitulent facultés de droit et des sciences caméralistes.

Se référant à l'éthique luthérienne, puis au droit naturel tel que l'expose Wolff, le caméralisme est l'aspect administratif et économique d'une idéologie convenant aux classes moyennes, bourgeoises ou nobles. En conséquence, le caméralisme se différencie du mercantilisme absolutiste qui privilégie le commerce extérieur et les industries d'exportation tout en lui empruntant de-ci de-là des éléments méthodiques ou techniques.

Le prince est « pasteur » du peuple, il veille à son bonheur spirituel et matériel. Son instrument de gouvernement, la camera, doit garantir le développement harmonieux de l'ensemble des forces économiques en vue d'assurer le bonheur de tous. Telle est aussi la finalité d'une économie dont l'objet est le plein emploi et l'exploitation de toutes les richesses. Organisée scientifiquement, l'administration est dotée d'un corps de fonctionnaires formés par les universités et des écoles supérieures aux disciplines philosophiques, économiques, administratives et financières. L'État aura une politique monétaire sociale ; il organisera un système de crédit et d'assurances ; il abolira les privilèges historiques[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à la faculté de droit de Strasbourg

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