THÉORIE GÉNÉRALE DE L'EMPLOI, DE L'INTÉRÊT ET DE LA MONNAIE, John Maynard Keynes Fiche de lecture
La célébrité de John Maynard Keynes (1883-1946), économiste à Cambridge et haut fonctionnaire, connaît son point culminant avec la publication de General Theory of Employment, Interest and Money (Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie). Non parce que ce livre résume parfaitement la pensée de son auteur, qui dès 1937 révise certains de ses développements, mais parce que sa destinée répond pleinement aux ambitions de Keynes, placées sous le double signe de la théorie et de l'action économiques. Face au hiatus flagrant entre l'optimisme de la théorie libérale « orthodoxe » et la durée de la crise des années 1930, Keynes théorise la possibilité d'un équilibre durable de sous-emploi et fonde la nécessité d'une intervention de l'État. La Théorie générale est considérée comme l'ouvrage économique majeur du xxe siècle, tant par les bouleversements théoriques et méthodologiques qu'il propose, que par les politiques économiques qu'il justifie.
Une théorie de l'emploi
Le « but ultime » de Keynes est « la découverte des facteurs qui déterminent le volume de l'emploi ». Il s'oppose pour cela dès le livre I à l'analyse du marché du travail proposée par ceux qu'il nomme les « classiques » : les économistes qui, de David Ricardo à Arthur Cecil Pigou, auraient en commun d'admettre la loi de Say (l'offre crée sa propre demande) et la théorie quantitative de la monnaie (selon laquelle la quantité de monnaie en circulation détermine le niveau des prix). Pour Keynes, le volume de l'emploi n'est pas déterminé par un hypothétique marché du travail : il dépend uniquement de la décision d'embauche des entrepreneurs, personnages clés du système keynésien. Ceux-ci fixent leur niveau d'embauche selon le « principe de la demande effective » : ils offrent un niveau de production égal à la quantité de biens qu'ils espèrent écouler d'une part, en veillant à maximiser leur profit d'autre part. C'est donc la demande globale anticipée qui détermine les volumes de la production et de l'emploi. Après avoir défini l'ensemble de ses concepts économiques dans le livre II, Keynes s'attarde sur les deux composantes essentielles de la demande effective : les dépenses de consommation des ménages et les dépenses d'investissement des entrepreneurs. La consommation, étudiée dans le livre III, résulte d'une « loi psychologique fondamentale » : « les hommes tendent à accroître leur consommation à mesure que le revenu croît, mais non d'une quantité aussi grande que l'accroissement du revenu ». Toute hausse du revenu stimule la demande, ce qui incite les entrepreneurs à embaucher ; mais à mesure que la société s'enrichit, la part du revenu global consacrée à la consommation diminue, au profit de l'épargne. « Pour qu'un certain volume d'emploi soit justifié, il faut donc qu'il existe un certain volume d'investissement courant suffisant pour absorber l'excès de la production totale sur le volume que la communauté désire consommer. » Contrairement à ce qu'affirment les classiques, l'épargne n'est pas systématiquement investie. Elle peut être consacrée à la spéculation. L'investissement, analysé dans le livre IV, dépend des entrepreneurs qui s'engagent si le rendement anticipé de l'investissement est supérieur à son coût, évalué par le taux d'intérêt. La détermination du taux d'intérêt oppose à nouveau Keynes aux classiques. Il récuse l'idée d'une monnaie qui ne serait qu'un intermédiaire neutre des échanges et affirme que les agents ont une préférence pour la liquidité. Ils expriment une demande de monnaie, et le taux d'intérêt apparaît comme le [...]
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Écrit par
- Marion GASPARD : enseignant-chercheur à l'université de Paris-IX-Dauphine
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