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SPECTRALE THÉORIE

Théorie spectrale de Hilbert

Soit u un endomorphisme continu normal d'un espace hilbertien E. La sous-algèbre unitaire fermée autoadjointe A de L(E) engendrée par u est une C*-algèbre commutative unitaire, dont le spectre s'identifie canoniquement à celui de u (cf. algèbres normées). De plus, la transformation de Gelfand est un isomorphisme de A sur l'algèbre C(sp(A)) des fonctions continues sur le spectre de A. L'isomorphisme réciproque définit un morphisme ϕ de C(sp(A)) dans l'algèbre unitaire L(E) ; c'est l'unique morphisme de C(sp(A)) dans L(E) tel que ϕ(z) =u, où z est l'injection canonique de sp (A) dans C. Pour tout élément f de C(sp (A)), l'endomorphisme ϕ(f ) se note encore f (u). Cette théorie permet donc de définir un calcul fonctionnel portant sur les fonctions continues de u. En particulier, u* = ϕ(). L'objet de la théorie spectrale de Hilbert est d'étendre le calcul fonctionnel à des fonctions plus générales. On observe à cet effet que, pour tout couple (x, y) d'éléments de E, l'application :

est (cf. intégration et mesure, chap. 4) une mesure de Radon sur sp(u). De plus, l'application :
est sesquilinéaire hermitienne. Enfin, on a :

Les mesures μx,y s'appellent mesures spectrales associées à u. On dit qu'une fonction f définie sur sp(u) à valeurs complexes est u-mesurable si, pour tout couple (x, y) d'éléments de E, cette fonction est μx,y-mesurable. On note L(u) l'algèbre des classes de fonctions u-mesurables essentiellement bornées et, pour tout nombre réel p ≥ 1, on note Lp(u) l'espace vectoriel des classes de fonctions u-mesurables appartenant à Lpx,y) pour tout couple (x, y) d'éléments de E. On démontre alors le théorème fondamental suivant : Pour tout élément f de L1(u), il existe un élément et un seul de L(E), noté f (u), tel que, pour tout couple (x, y) d'éléments de E, on ait :

C'est pourquoi f (u) se note encore :

où μ désigne la mesure vectorielle correspondant aux mesures scalaires μx,y. En particulier, on a les formules de décomposition spectrale suivantes :

De plus, l'application f ↦ f (u) est linéaire, et[f (u)]* = f̄ (u*). En outre, pour toute suite (fn) d'éléments de L1(u) convergeant simplement vers f, dominée par une fonction positive g appartenant à L1(u), la fonction f appartient à L1(u) et les endomorphismes fn(u) convergent fortement vers f (u) ; c'est le théorème de convergence dominée de Lebesgue. Enfin, pour tout élément f de L1(u) et pour tout élément g de L(u), on a l'égalité :

En particulier, l'application u ↦ f (u) définit un morphisme de la C*-algèbre L(u) dans L(E), prolongeant ainsi le calcul fonctionnel aux éléments de L(u) ; les éléments f (u), où f appartient à L1(u), appartiennent au bicommutant de A. Lorsque f est la fonction caractéristique d'une partie M de sp(u), f M) est un projecteur hermitien de E, noté PM, appartenant au bicommutant de A. Les projecteurs PM s'appellent projecteurs spectraux de u, et leurs images s'appellent variétés spectrales de u. Lorsque E est de dimension finie et que M est réduite à un point, on retrouve la notion de sous-espace propre. Le calcul fonctionnel précédent permet de généraliser aux endomorphismes normaux la plupart des résultats de la théorie spectrale classique. On peut même définir un calcul fonctionnel portant sur les opérateurs normaux non bornés ; ses applications sont nombreuses (mécanique quantique, problèmes de Sturm-Liouville).

— Lucien CHAMBADAL

— Jean-Louis OVAERT

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  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, professeur au lycée Buffon, Paris
  • : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de mathématiques spéciales

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