JAUGE THÉORIES DE
Le modèle standard des interactions fondamentales
En fait, la construction théorique de Yang et Mills ouvre la voie à la description moderne des interactions fondamentales dans le cadre général de la théorie quantique des champs. C'est dans ce cadre qu'ont été construites à la fin des années 1960 les théories modernes des interactions nucléaires : chromodynamique quantique et théorie électrofaible. Deux découvertes fondamentales ont permis cette construction.
D’une part, on a compris qu’imposer une invariance de jauge dans la description des interactions entre les champs fondamentaux pouvait être compatible avec une brisure (c’est-à-dire un non-respect) de cette symétrie au niveau de l’état fondamental (ce que l’on appelle l’état de vide quantique, l’état d’énergie minimale d’un ensemble de particules élémentaires en interactions) de la théorie. L’application de ce concept de symétrie « spontanément brisée » a permis à Sheldon Glashow (né en 1932), Abdus Salam (1926-1996) et Steven Weinberg (1933-2021) – qui se sont partagé le prix Nobel en 1979 – de proposer une théorie de jauge des interactions nucléaires faibles unifiée à l’électrodynamique quantique. Cette théorie, fondée sur le produit des groupes de symétrie SU(2) et U(1), admet comme bosons de jauge les particules W+, W– et Z0 ainsi que le photon. Les masses non nulles (et élevées) des bosons W et Z sont engendrées par le mécanisme de brisure spontanée de symétrie, proposé en 1964 par Robert Brout (1928-2011), François Englert (né en 1932) et Peter Higgs (1929-2024) – ces deux derniers ayant reçu conjointement le prix Nobel en 2013 après la découverte au Cern de Genève du « boson de Higgs », qui confère leur masse aux bosons W et Z, signature expérimentale caractéristique de cette construction théorique.
D’autre part, l’existence de sous-constituants des nucléons, les quarks, s’est peu à peu imposée aux physiciens des particules élémentaires. La possibilité d’un degré de liberté caché – appelé « couleur » – de ces quarks a mené à la construction d’une théorie de jauge dont le groupe de symétrie SU(3) serait caractéristique des transformations entre trois types (trois couleurs) de quarks identiques quant à leurs autres caractéristiques. Les huit bosons de jauge associés aux quarks sont les huit types de gluons dont on a ensuite mesuré les caractéristiques dans les collisions de particules au sein des grands accélérateurs. De masse et de charge électrique nulles, les gluons jouent un rôle prééminent dans le confinement des quarks à l’intérieur des nucléons et des autres hadrons. Ils apparaissent maintenant comme des constituants fondamentaux des nucléons, au même titre que les quarks.
Construction mathématique ambitieuse, les théories de jauge se sont ainsi révélées comme les meilleures représentations des forces nucléaires et électromagnétiques dans le cadre de la physique quantique. Cinquante années de recherches expérimentales ont confirmé leur pertinence, mais il faut garder en mémoire que, s’il est aisé de démontrer qu’une théorie physique est fausse, on ne peut guère prouver qu’elle soit juste…
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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