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ÉLÉMENTS THÉORIES DES

Les alchimistes d'Alexandrie

Marcelin Berthelot a signalé la parenté des théories platoniciennes du Timée avec celles des alchimistes grecs, contemporains et disciples des néo-platoniciens. Cette filiation était reconnue par Synesius dans son commentaire sur Démocrite et par Stephanus d'Alexandrie (vers 630 apr. J.-C.). Ce dernier déclare : « La science peut tout ; elle voit clairement les choses que l'on ne peut apercevoir et elle est capable d'accomplir les choses que l'on juge impossibles » (Ms. 2327, fol. 63). Et il ajoute : « Dieu a fait l'Univers avec quatre éléments... L'Air, le Feu, la Terre et l'Eau, étant contraires entre eux, ne peuvent se réunir, si ce n'est par l'interposition d'un corps qui possède les qualités des deux extrêmes. Ainsi, le Feu du vif-argent se joint à l'Eau par l'intermédiaire de la Terre, c'est-à-dire de la scorie... L'Eau est jointe avec le Feu du vif-argent par l'intermédiaire de l'Air du cuivre. Le Feu, étant chaud et sec, engendre la chaleur de l'Air et la sécheresse de la Terre. L'Eau, humide et froide, engendre l'humidité de l'Air et le froid de la Terre. La Terre, froide et sèche, engendre le froid de l'Eau et la sécheresse du Feu. Réciproquement, l'Air chaud et humide engendre la chaleur du Feu et l'humidité de l'Eau. »

Ce sont là des doctrines déduites de l'enseignement platonicien du Timée : « C'est donc de Feu et de Terre que Dieu dut former l'Univers ; mais il est impossible de bien unir deux corps sans un troisième, car il faut qu'entre eux se trouve un lien qui les rapproche l'un de l'autre. » Cette notion de « médiateur plastique », interposé entre l'âme et le corps, a reparu, sous diverses formes, dans l'histoire des sciences ; c'est une application matérialisée selon une interprétation physico-chimique, d'une notion métaphysique, d'origine platonicienne.

Stephanus d'Alexandrie, dans un langage pythagoricien, prétendait révéler les relations numériques à partir desquelles il établissait des correspondances symboliques entre l'alchimie et l'astronomie. Après avoir établi que chacun des quatre éléments, ayant deux qualités, résulte de l'association de trois principes élémentaires, Stephanus enseigne : « Cela fait douze combinaisons, résultant de quatre éléments pris trois à trois : c'est pourquoi notre art est représenté par le dodécaèdre, qui répond aux douze signes du Zodiaque. »

Dans cette perspective théorique, les quatre saisons correspondent aux quatre éléments et aux quatre zones du corps humain. De même, les sept transformations de la matière, les sept couleurs du Grand Œuvre, sont mises en rapport, chacune dans son ordre terrestre, avec l'harmonie céleste des sept planètes et des sept métaux qui leur sont symboliquement associés.

Les théories des alchimistes d'Alexandrie au sujet des quatre éléments présentent peu d'originalité par rapport à celles de la philosophie grecque classique, et il importe de rappeler les observations de J. Ruska sur ce point : « Écartons tout d'abord certaines hypothèses indémontrables qui rattachent l'alchimie grecque aux pratiques du culte égyptien. Les débuts de l'alchimie grecque peuvent être datés du iiie siècle après J.-C. ; sa décadence se place vers le viie ou le viiie siècle, tandis que les documents écrits ont été recueillis au xe siècle. Le manuscrit grec le plus ancien est le Codex Marcianus, du xie siècle, une des pièces les plus précieuses de la bibliothèque Saint-Marc, à Venise... Les premières traces de cette décadence sont sensibles déjà chez Zosime, le plus célèbre auteur de cette école alexandrine. L'évolution ultérieure accuse encore cette régression de l'alchimie grecque, qui[...]

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Écrit par

  • : historien des sciences et des techniques, ingénieur conseil

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