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ÉLÉMENTS THÉORIES DES

Les « matrices élémentaires » de Paracelse

W. Pagel, dans son ouvrage fondamental sur Paracelse et sur la médecine philosophique de la Renaissance, a montré que le trait distinctif du système paracelsien est la cohérence qui s'institue à la lumière des correspondances micro- et macrocosmiques entre la cosmologie, la théologie, la physique et la médecine.

Si la recherche de ces harmonies analogiques a été poursuivie depuis les présocratiques et les platoniciens jusqu'à la fin du Moyen Âge, Paracelse a été le premier à rejeter la ratiocination logico-scientifique commune aux philosophes de l'Antiquité classique et aux aristotéliciens médiévaux, et à utiliser directement la méthode analogique afin de l'appliquer à la connaissance expérimentale de la Nature.

Une grande partie du travail critique de Paracelse, en effet, est dirigée contre les conceptions classiques des éléments dans la mesure où la Terre, l'Eau, l'Air et le Feu, dans ces théories nouvelles, ne sont plus considérés comme des composants ultimes et irréductibles de la matière. Ce ne sont plus des corps simples et chacun ne devient visible et tangible qu'en fonction des trois autres éléments qui se mélangent avec lui. De même, le soufre, le mercure, le sel ordinaires, tels qu'on les trouve dans la mine ou le laboratoire, ne sont que des corps composés. Ce que Paracelse appelle « Soufre », « Sel » et « Mercure » sont les trois principes « sulfureux », « salin » et « mercuriel » qui entrent dans la constitution de tous les corps. Les éléments, en fait, avaient été considérés déjà par les alchimistes comme des structures primordiales plutôt que comme des substances, et ils les comparaient aux « vaisseaux hermétiques ». Ceux-ci, loin d'être de vulgaires récipients, exercent par leur type et par leur forme une influence essentielle et spécifique sur la nature de leur contenu. W. Pagel suppose, à juste titre, que ces notions alchimiques ont inspiré à Paracelse son concept de « matrices élémentaires ». La Terre, l'Air, l'Eau et le Feu sont, dans ce système, des « matrices » où les choses sont engendrées, où elles trouvent, en quelque sorte, leur habitat et leur statut physico-chimique et, surtout, où elles reçoivent leur signature qui, en fonction de l'analogie universelle, leur assigne leur destination ultime et révèle leurs propriétés « radicales » utilisables par le médecin.

La doctrine paracelsienne contient, en outre, l'idée centrale de l'« élément prédestiné » ou Cinquième Essence (Quinta Essentia). En chaque objet, l'un des éléments constitutifs acquiert un pouvoir supérieur à celui des autres et forme, en quelque sorte, le « noyau » de sa structure et de ses « vertus ». Cet élément « privilégié » signale aussi les différences fondamentales des objets entre eux et marque leurs oppositions. Déjà, dans la médecine et dans la pharmacologie de Galien et de ses disciples médiévaux, tel Raymond Lulle, la notion de Devictio posait en principe que, dans un « mixte élémentaire », un ou plusieurs éléments possèdent la primauté. Ainsi s'expliquaient, par exemple, les propriétés des drogues en terme de degrés (« grades ») de chaleur, de froid, de sécheresse et d'humidité, d'où le nom de « médecine des grades » de ce système galénique.

Les relations entre les « éléments » et les « principes » sulfureux, mercuriel et salin ne sont pas toujours nettement distinguées dans la terminologie de Paracelse, mais il semble assez évident qu'elles ne se réduisent pas à une classification de propriétés physico-chimiques. Ce qui distingue les objets n'est pas leur apparence matérielle, mais le faisceau d'énergies « spirituelles » qui la produisent par leur interaction et par un processus permanent de cristallisation, de solidification et[...]

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Écrit par

  • : historien des sciences et des techniques, ingénieur conseil

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