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THÉOSOPHIE

Herméneutique théosophique et discours mythique

Revenons à notre propos initial sur le sens du mot « théosophie » et sur la place de la théosophie dans ce qu'on appelle l'ésotérisme. Par « théosophie », de même que par « ésotérisme », on entend donc d'abord une herméneutique (ta'wīl, en Iran), c'est-à-dire une interprétation de l'enseignement divin – par exemple, du Livre révélé – fondée à la fois sur une démarche intellectuelle, spéculative (le mode de pensée est ici analogique et homologique, l'homme et l'univers étant considérés comme les symboles de Dieu), et sur une révélation due à une illumination. Dans le cas de la théosophie, cette interprétation porte sur les mystères intérieurs à la divinité elle-même – c'est la théosophie au sens restreint – ou sur ceux-ci et l'univers entier – c'est la théosophie au sens large, celui dont il s'agit ici.

Le théosophe part toujours d'un donné révélé, celui de son mythe – par exemple, le récit de la Création au début de la Genèse –, dont il fait jaillir les résonances symboliques par son imagination active. Il pense ainsi pénétrer les mystères de l'univers et des rapports qui unissent celui-ci avec l'homme et avec le monde divin. Comme pour la gnose comprise comme voie de salut individuel, l'idée de « pénétration » théosophique renvoie à celle d'« intériorisme » ; néanmoins, il s'agit, cette fois, de descendre non plus seulement en soi, mais aussi dans la profondeur de Dieu et des choses naturelles, ces deux mouvements se complétant d'ailleurs. Dans ses profondeurs, la Déïté « repose en elle-même », enseigne Jacob Boehme, c'est-à-dire qu'elle demeure dans son absolue transcendance ; mais, en même temps, elle sort d'elle-même, car « Dieu est un trésor caché qui aspire à être connu ». Il se fait connaître en se dédoublant au sein d'une sphère ontologique située entre notre monde créé et l'inconnaissable, sphère qui sera le lieu de rencontre entre Dieu et la créature (mais, bien entendu, nous ne connaissons Dieu que pour autant qu'il se révèle à nous selon nos structures anthropologiques et culturelles). En même temps, les mondes viennent à l'Être, prennent forme, pour être le lieu de la manifestation divine.

Le théosophe recherche, derrière le foisonnement du réel, le sens caché des chiffres ou hiéroglyphes de la nature ; cette quête reste nécessairement inséparable d'une plongée intuitive dans le mythe auquel il adhère par sa foi et son imagination active. Tantôt il part d'une réflexion sur les choses pour comprendre Dieu – c'est l'attitude appelée parfois pansophique –, tantôt il s'efforce de saisir le devenir du monde divin – sa question n'est pas an sit Deus ?, mais quid sit Deus ? –, pour comprendre le monde du même coup et posséder ainsi la vision intime du principe de la réalité de l'univers et de son devenir. Les aspects du mythe sur lesquels il met tout naturellement l'accent se trouvent être ceux que les Églises constituées ont tendance à négliger ou à passer sous silence : nature de la chute de Lucifer et de celle d'Adam, androgynéité de celui-ci, sophiologie, arithmosophie, etc. Le théosophe croit en une révélation permanente dont lui-même est l'objet, et son discours donne toujours l'impression qu'il reçoit la connaissance en même temps que l'inspiration. Il insère chaque observation concrète dans un système total, mais indéfiniment ouvert, qui repose toujours sur le triptyque de l'origine, de l'état présent et des choses finales ; c'est-à-dire sur une cosmogonie (liée à une théogonie et à une anthropogonie), une cosmologie et une eschatologie. Saint Paul semble avoir[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section), professeur à l'université de Bordeaux-III

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Médias

Henry Steel Olcott - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henry Steel Olcott

Annie Besant - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Annie Besant

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