THÉRA
L'ancienne Théra, aujourd'hui Santorin, était jusqu'en 1967 plus connue pour l'extravagance de sa configuration physique que pour ses antiquités. Cette île, la plus méridionale des Cyclades, est située à 140 kilomètres au nord de la Crète. Elle a la forme d'un anneau presque fermé tombant à pic (360 m au plus haut point) du côté de l'intérieur, tandis qu'il s'abaisse en pente douce du côté extérieur. Le centre de cet arc est occupé par deux îlots qui grandissent peu à peu, car le volcan, dont le cratère sous-marin occupe la rade, très profonde, est toujours en activité : le 9 juillet 1926 encore, deux mille maisons furent détruites en 52 secondes par une secousse. L'île actuelle doit cette allure singulière à l'explosion de son volcan au ~ IIe millénaire, cataclysme qui semble avoir dépassé de beaucoup en magnitude l'explosion du Krakatoa en 1883. Les quantités énormes de cendres projetées alors dans l'atmosphère ont formé sur le pourtour subsistant du cratère une couche de 30 à 50 mètres d'épaisseur, partiellement emportée depuis par les eaux de ruissellement. Des fouilles très limitées (Fouqué en 1866-1867 ; Mamet et Gorceix en 1870 ; Zahn en 1899) avaient révélé l'existence sur la côte sud de l'île d'un habitat minoen important, mais il devait revenir à l'archéologue grec S. Marinatos d'en mesurer l'ampleur et la richesse. Les fouilles intensives qu'il a menées depuis 1967 avec de grands moyens dans un petit ravin au sud d'Acrotiri ont entraîné la découverte archéologique la plus importante faite depuis bien longtemps dans le domaine égéen (S. Marinatos, Excavations at Thera, I-VII, Athènes, 1967-1973). Il ne s'agit pas, comme sur les grands sites minoens de la Crète même, d'un ensemble palatial, mais d'une ville entière dont certaines maisons sont conservées jusqu'à leur deuxième étage. Cette ville n'a pas été détruite par le cataclysme lui-même, mais sans doute par un tremblement de terre antérieur : une couche de destruction très nette précède dans la stratigraphie l'enfouissement sous la cendre ; les ruines avaient même été en partie déblayées par des « squatters » avant de disparaître. L'absence d'objets précieux montre que la population avait eu le temps de quitter la ville ; en revanche, les objets usuels abandonnés sur place sont abondants. Les fresques constituent cependant la découverte la plus spectaculaire : par leur variété, leur ampleur et leur conservation remarquable, elles renouvellent ce que l'on savait de la peinture à fresque crétoise. Depuis 1971, certaines d'entre elles sont exposées dans les salles spéciales installées au premier étage du Musée national d'Athènes. Escarpements semés de lys en fleur ; enfants jouant à la boxe ; antilopes passant ; pêcheur nu ramenant ses prises — toutes affirment ce que suggéraient seulement les fresques très fragmentaires et trop restaurées de Cnossos : l'élégance presque affectée des formes, la polychromie très vive et souvent arbitraire des figures et des fonds, le choix des sujets témoignent d'un hédonisme raffiné, où le mysticisme que l'on prête volontiers à la Crète ne semble guère avoir de place. D'autres fresques montrent la diversité de cette iconographie moins officielle que dans l'art palatial de Cnossos. La plus importante représente en miniature, sur une longueur de plusieurs mètres, ce qui pourrait être une bataille navale et le retour au port de la flotte victorieuse — représentation unique à ce jour, dans l'art minoen, d'un événement historique et d'un lieu réel. Depuis la mort accidentelle, durant l'été de 1974, de S. Marinatos, enseveli sous une des maisons qu'il avait dégagées, la fouille a été poursuivie avec des moyens plus réduits[...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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Média
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