THERMODYNAMIQUE (notions de base)
La formulation du problème
Les propriétés et l'évolution d'un objet macroscopique découlent directement et uniquement des propriétés et de l'évolution de ses constituants microscopiques. Or la mécanique microscopique s'appuie sur les concepts de force et d'énergie, de vitesse et d'accélération. D'où pourraient émerger, dans un cadre aussi strict, les notions de température et de chaleur ? À l'inverse, comment un corps macroscopique, fait pourtant de myriades de particules microscopiques, peut-il être décrit par un nombre restreint de paramètres (ne dépassant pas la dizaine), comme veut le faire la thermodynamique ?
Le lien fondamental entre la mécanique, qui gouverne le comportement détaillé des constituants microscopiques, et la thermodynamique, qui rend compte des propriétés des corps macroscopiques, est établi par la mécanique statistique, inventée en 1872 par Ludwig Boltzmann. Elle se fonde sur l'énormité même du nombre d'Avogadro, qui lui permet l'utilisation de méthodes probabilistes sans qu'il en résulte pour autant une quelconque imprécision dans l'évaluation des grandeurs macroscopiques associées au système dans son ensemble. C'est à travers ce traitement statistique des données microscopiques que se font jour, au niveau macroscopique, les grandeurs nouvelles que sont la température, la chaleur et l'entropie. Ainsi la température d'un gaz – notion purement macroscopique – mesure-t-elle essentiellement la valeur moyenne (au sens probabiliste) de l'énergie cinétique des particules microscopiques qui le constituent.
C'est au cours de la première moitié du xixe siècle que la thermodynamique s'est élaborée et instituée comme théorie physique au plein sens du terme. Se posaient alors deux questions fondamentales : d'une part, qu'est-ce que la chaleur ? d'autre part, comment la transformer au mieux en travail mécanique ?
La seconde question fut résolue par Sadi Carnot (1796-1832), en 1824, dans son mémoire visionnaire et fondateur : Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance. Mais Sadi Carnot mourut à trente-six ans (du choléra) et son opuscule – tiré à deux cents exemplaires seulement – n'eut pas le retentissement qu'il aurait mérité. C'est Émile Clapeyron (1799-1864) qui le sauva de l'oubli, en en publiant une analyse dix ans après.
La nature physique de la chaleur resta longtemps indécise. Déjà Lavoisier (1743-1794) avait remplacé la notion vague de phlogistique par une véritable théorie, celle du fluide calorique : elle représentait la chaleur comme une substance sans masse qui se déversait d'un corps chaud vers un corps froid. C'est l'Américain Benjamin Thompson (1753-1814) qui porta le coup fatal à ce concept en montrant publiquement que la chaleur ne possédait pas les propriétés supposées du fluide calorique : en forant un canon immergé dans un bassin, il fit constater comment l'eau finissait par bouillir furieusement et continuait à le faire tant que le foret fouillait l'âme du canon. L'équivalence entre chaleur et travail (premier principe de la thermodynamique) fut comprise et énoncée, simultanément et indépendamment, par James Joule en Grande-Bretagne et Julius Mayer en Allemagne (1842).
Restait à exprimer formellement, dans le cadre d'une nouvelle théorie de la chaleur, les « Réflexions » de Sadi Carnot. C'est l'Allemand Rudolf Clausius (1822-1888) qui, après avoir introduit la notion d'entropie, donna du « deuxième principe » une formulation claire et générale (1850).
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Écrit par
- Bernard DIU : professeur émérite à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
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