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THERMODYNAMIQUE Processus irréversibles non linéaires

Thermodynamique et dynamique

Dès son origine, le second principe a joué un rôle essentiel dans l'interprétation philosophique des concepts fondamentaux de la science. Henri Bergson considérait ce principe comme la plus « métaphysique » des lois de la nature, et A. Eddington associait l'entropie à la flèche du temps.

Une question fondamentale consiste à réconcilier le concept d'irréversibilité exprimé par le second principe avec les lois de la dynamique (classique ou quantique). Les travaux fondamentaux de L. Boltzmann, cités plus haut, apportent à ce problème une contribution importante qui demeure pourtant incomplète. Ce physicien a clairement reconnu que le second principe ne s'applique qu'à des systèmes macroscopiques formés d'un nombre immense de particules, de l'ordre du nombre d'Avogadro (6,02 × 1023). D'où l'adoption d'une description statistique du système et, dans cette perspective, Boltzmann établit l'équation cinétique d'un gaz dilué régissant le comportement de la fonction f de distribution des vitesses. Il en déduit ensuite une fonctionnelle H de f qui ne peut que décroître au cours du temps, conformément au théorème H, bien connu sous ce nom. Cette grandeur fournit le premier modèle microscopique de l'entropie.

La théorie de Boltzmann, quoique très convaincante du point de vue physique pour les gaz dilués, ne peut cependant pas être considérée comme d'une portée générale, résolvant le problème des relations fondamentales entre dynamique et thermodynamique. Ce problème reste encore à présent d'un intérêt considérable. Il est clair tout d'abord qu'il ne suffit pas qu'un système soit composé d'un grand nombre de particules pour le voir tendre vers l'équilibre thermodynamique. Ainsi, dans un ensemble de molécules indépendantes et sans interaction, aucun équilibre thermique ne pourrait s'établir et l'évolution de cet ensemble ne tendrait nullement vers l'état correspondant au maximum de son entropie. La théorie ergodique, telle qu'elle est exposée dans l'ouvrage de A. I. Khinchin (1949), fixe d'ailleurs les conditions pour que l'approche de l'équilibre devienne possible. Toutefois, les précisions qu'apporte cet auteur sont plutôt relatives aux conditions permettant une description en termes de thermodynamique d'équilibre qu'aux propriétés régissant l'évolution du système vers cet état d'équilibre. Sous ce rapport, le développement de la mécanique statistique des états de non-équilibre a entraîné de nouveaux progrès. En effet, elle permet d'établir sous quelles conditions on peut associer à l'évolution d'un grand système une fonction à variation monotone. Une telle fonction devient alors un modèle microscopique de l'entropie. Cette possibilité existe notamment pour les grands systèmes dont les molécules sont en interaction sous l'effet de forces à courte portée, telles que, par exemple, les forces de Van der Waals. En revanche, la construction d'un modèle microscopique de l'entropie est beaucoup plus compliquée lorsque les interactions correspondent à des forces à longue portée telles que les forces gravifiques. Il faut donc être très prudent dès qu'on envisage une extrapolation du second principe à l'échelle cosmologique comme l'avait fait Clausius par la citation rapportée au début de cet article.

Ces considérations ont montré que les lois de la dynamique, lorsqu'elles sont appliquées à la limite de grands systèmes, présentent parfois des caractéristiques entièrement nouvelles. En particulier, la propriété d'invariance des lois de la dynamique par rapport au renversement du temps disparaît à cette limite (I. Prigogine, 1972). Une telle situation se présente aussi avec la notion de transition[...]

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Écrit par

  • : chef de travaux associé à l'Université libre de Bruxelles .
  • : professeur émérite de la faculté des sciences à l'université de Bruxelles, président d'honneur de l'Institut international du froid, membre de l'Académie royale
  • : chef de travaux à l'université libre de Bruxelles
  • : professeur à l'Université libre de Bruxelles
  • : directeur des Instituts internationaux de physique et de chimie, fondés par Ernest Solvay à Bruxelles, Ashbel Smith regental professor, université du Texas à Austin, directeur du Ilya Prigogine Center of Studies in Statistical Mechanics and Complex Systems, université du Texas à Austin

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    De nos jours, on peut définir la thermodynamique comme la science des propriétés et des processus qui mettent en jeu la température et la chaleur.

    Le nom de « thermodynamique » associe les deux mots grecs thermon (chaleur) et dynamis (puissance). Le but premier de la discipline, explicitement...

  • BOLTZMANN LUDWIG (1844-1906)

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    À partir de ce deuxième principe, Loschmidt a présenté à Boltzmann une objection redoutable, souvent reprise depuis lors, et qui consiste à affirmer l'impossibilité de faire sortir des équations réversibles de la mécanique une interprétation des processus irréversibles de la thermodynamique. Boltzmann...
  • CARNOT SADI (1796-1832)

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    Fils aîné de Lazare Carnot, « l'Organisateur de la Victoire », Nicolas Léonard Sadi Carnot est un des pionniers de la thermodynamique. Son unique publication, les Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance, ignorée de son temps...

  • CHALEUR

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