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MUGLER THIERRY (1948-2022)

La mode comme spectacle

Dès le début des années 1970, Thierry Mugler fait partie des personnalités qui feront évoluer le système de la mode. Aidé par Didier Grumbach, qui fonde l'association (rapidement devenue société) Créateurs et Industriels, dans le but de mettre ces deux secteurs d'activité en relation, Mugler contribue à faire accepter le concept de créateur de mode. Contrairement aux stylistes, qui demeurent anonymes, les créateurs de mode jouent sur leur nom pour revendiquer leur spécificité stylistique. Ils séduisent une clientèle jeune et concurrencent ainsi les grands couturiers, qui développent un secteur de prêt-à-porter de luxe. Les productions de Mugler, bien qu'industrielles, sont d'une extrême sophistication. Elles ont la particularité d'être mises en scène, dans un univers global qui fait sensation. En 1977, Mugler élabore des défilés-spectacles, véritables shows dans lesquels la chorégraphie, la musique, l'éclairage, le décor, mais également la coiffure et le maquillage viennent renforcer la singularité des créations de mode. Depuis lors, la formule fait recette, et couturiers et créateurs jouent la surenchère.

Mugler innove encore en 1984, pour le dixième anniversaire de sa maison, en ouvrant le défilé au public et en faisant payer les entrées, au Zénith à Paris, qui réunit six mille personnes, puis à Moscou, Berlin, Tōkyō et Los Angeles. Il renouvelle le procédé dix ans plus tard : les égéries muglériennes en total look se succèdent, tour à tour femme-insectes dans des robes arachnéennes ou des caparaçons de métal, vampirellas hypersexuées, guerrières intergalactiques, fleurs vénéneuses ou rodeo girls, petites ouvrières staliniennes devenues princesses viscontiennes ou stars hollywoodiennes drapées comme des statues-colonnes... Mais cette fantasmagorie se construit sur des vêtements bien réels, dont l'architecture complexe a évidemment pour vocation de transformer le corps autant que la posture : bustiers, corsets, paddings, talons aiguilles – en somme, des prothèses et orthèses de toutes espèces, qui contribuent ouvertement au remodelage de la silhouette.

À ces héroïnes muglériennes, qui portent jusque dans la rue des total looks aux épaules de camionneurs, répond l'impeccable tenue des hommes. La silhouette masculine que développe Mugler, parallèlement pour le sportswear ou pour la ville, est sobre, nette, précise – elle aussi épaulée, très élancée, avec une taille marquée et des jambes fuselées. Elle pourrait être considérée comme classique, mais demeure très hardie au regard des conventions sociales : on se souvient de l'incident provoqué par le ministre de la Culture Jack Lang, lorsqu'il pénétra, en 1985, dans l'Assemblée nationale, habillé d'un costume à col Mao et donc sans cravate !

Pour conforter l'image de sa marque, Mugler fait d'abord appel aux grands noms de la photographie de mode, comme Helmut Newton, Pierre et Gilles ou Dominique Issermann. Mais c'est finalement lui qui saura le mieux retranscrire sa démesure. En 1978, il réalise ses premières campagnes de publicité et transporte, de la Chine à l'Arizona et du Groenland au Sahara, mannequins et modèles, à la recherche de gigantesques paysages dans lesquels de minuscules personnages viennent prendre place, perchés sur d'énormes édifices ou émergeant d'un horizon très lointain. De la photographie, il passe en 1987 à la réalisation d'un court-métrage (coproduit par TF1), L'Antimentale, et en 1990, à celle d'un film publicitaire pour le Raid Gauloises. Après avoir conçu des costumes aussi différents que ceux de la comédie musicaleÉmilie jolie de Philippe Chatel au Cirque d'hiver et de Macbeth pour la Comédie-Française, en 1985, Mugler assure la direction artistique de vidéo-clips, mais également celle de la cérémonie[...]

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Média

Thierry Mugler - crédits : Daniel Simon/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Thierry Mugler